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placer leur ami sur une table de prescription, parce que son nom se serait offert le premier à leurs regards distraits, etc. » De tous côtés arrivaient à Arnault des témoignages d’estime et d’intérêt. M. de Jouy, de l’Académie française, lui dédiait sa tragédie de Bélisaire. Un jeune poête habitant la ville de Bruxelles, et du nom de Roucher, ne connaissant pas l’asile de l’illustre prescrit, lui adressa, par les journaux belges, la dédicace d’un volume de poésies dont il était l’auteur. Le célèbre critique Dussault venait de recueillir en 4 volumes les principaux articles publiés par lui dans les journaux depuis vingt ans. Dans ce nombre il s’en trouvait, sur les ouvrages d’Arnault, quelques uns dont la critique pouvait paraître amère ; mais alors Arnault était heureux et puissant : Dussault les retranclia de son recueil, et n’en conserva qu’un seul où il faisait l’éloge des fables de ce poète. Dans sa séance du 3 mars 1818, sur la proposition d’Aignan (voy. ce nom), l’Académie arrêta qu’il serait porté par elle une respectueuse prière au roi pour obtenir le rappel d’Arnault. Il fut décidé en outre que cette démarche serait concertée avec le ministère, qui avait alors pour président le duc de Richelieu, directeur actuel de l’Académie. Au moment où l’Académie faisait pour lui cette honorable manifestation, Arnault était atteint d’une maladie qui faisait craindre pour ses jours. Rappelé avant lui de la terre d’exil, son beau-frère Regnault n’avait revu la France que pour y trouver une tombe (mars 1819). Aussi, aux obsèques de ce dernier, entendit-on M. de Jouy, qui porta la parole sur le cercueil, dire avec émotion : « Un proche parent de M. Regnault manque à cette douloureuse cérémonie : la fraternité qui les unit a été consacrée par celle du malheur ; quelle douleur ne sera-ce pas pour l’auteur de Marius que d’être privé de rendre à celui qu’il traitait de père et de frère les derniers devoirs d’une sainte amitié ! » Arnault fut enfin rappelé en novembre 1819. La pension de retraite à laquelle ses services dans différentes administrations lui donnaient droit fut rétablie par une ordonnance royale. Au commencement de janvier 1820, des affaires d’intérêt l’ayant rappelé pour quelques jours à Bruxelles, les rédacteurs de la Minerve, en apprenant cette nouvelle à leurs lecteurs, leur annoncèrent qu’Arnault serait désormais l’un de leurs collaborateurs ; mais la suppression de cette feuille fut cause qu’il ne put y donner qu’un seul article ; c’était l’analyse de la tragédie de Marie Stuart par M. Lebrun. Il entreprit alors, avec MM. Jay, Jouy et Norvins, la Biographie nouvelle des contemporains, Dictionnaire historique et raisonné de tous les hommes qui, depuis la révolution française, ont acquis de la célébrité par leurs actions, leurs écrits, leurs erreurs, soit en France, soit dans les pays étrangers. Cette publication, rivale et très-souvent plagiaire de la Biographie des hommes vivants de M. Michaud, et, pour nombre d’articles, de notre Biographie universelle, fut loin de se recommander par l’impartialité qu’elle reprochait ai celle-ci de ne pas avoir. Le bruit courut d’ailleurs dans le public que les signataires de cet ouvrage y contribuaient peu par leur plume, et laissaient les articles à faire à des écrivains inconnus. On ne peut nier cependant que la notice consacrée à Arnault lui-même dans le 1er volume ne soit rédigée avec un soin particulier ; on y reconnaît à certaines réticences la main d’un ami sinon celle d’Arnault lui-même. On se garde bien surtout d’articuler le titre de la fonction que l’auteur de Marius avait exercée auprès du comte de Provence. Cependant Napoléon, pour reconnaître le dévouement du vertueux Arnault, lui légua une somme de 100,000 fr. par son testament. Le poète, dans sa reconnaissance, entreprit en 1822 l’histoire de son bienfaiteur, qu’il publia sous ce titre : Vie politique et militaire de Napoléon, Paris, 1822 et années suiv., 3 vol. in-fol. Cet ouvrage, écrit avec une grande rigueur de style, enrichi de documents jusqu’alors inédits, est orné de planches lithographiées d’après les tableaux et dessins des premiers peintres de l’école française. Arnault donna en 1824 une seconde édition de ses Œuvres complètes en 8 vol. in-8o. Le tome 1er contient : Marius, Lucrèce, L. Cincinnatus, Oscar et Scipion, consul. Tome 2 : Blanche et Montcassin, Don Pèdre, ou le Roi et le Laboureur, Germanicus et Guillaume de Nassau, tragédie inédite. Dans le voyage qu’il fit en Belgique depuis son rappel, Arnault fut admis à la lire au prince royal de Hollande, Frédéric, dont il reçut, ainsi que du roi Guillaume, l’accueil le plus bienveillant. Le sujet est l’assassinat de Guillaume de Nassau, prince d’orange ; on trouve dans cette tragédie, comme dans presque toutes les pièces de son auteur, de belles scènes, de beaux caractères, mais une action faible et sans intérêt. Tome 3 : les Gens à deux visages, ou le Retour de Trajan, comédie critique et politique en 2 actes et en vers libres (inéd.) ; la Rançon de Duguesclin, Phrosine et Mélidor, Horatius Coclés, le Couronnement de Junon, opéra-ballet en 1 acte (inéd.) ; Poésies et Mélanges. Tome 4 : Fables et poésies diverses. Tome 5 : Mélanges académiques. Tomes 6 et 7 : Mon Portefeuille, ou Critiques philosophiques et littéraires. Tome 8 : Notices sur quelques personnages célèbres. En 1829, Arnault fut rappelé à l’Académie, où il prit séance à la place de Picard, le 24 décembre. Dans son discours de réception, après avoir parlé avec beaucoup de convenance de sa position personnelle, il présenta une analyse complète, et qui parut un peu prolixe, des nombreux ouvrages dramatiques de son prédécesseur. Dès ce moment, Arnault se montra un des académiciens les plus zélés et des plus assidus. Le 29 juin 1830, en qualité de président de l’Académie, il répondit au discours de réception de M. le comte Philippe de Ségur, qu’il loua de son style plein de hardiesse, mais exempt de tout néologisme. Le 19 juin 1832, répondant encore à M. Jay, qui succédait à l’abbé de Montesquieu, Arnault s’exprima avec une louable modération sur le compte de cet ancien ministre, dont il avait eu, dit-on, à se plaindre. En 1833, la place de secrétaire perpétuel étant devenue vacante par la mort d’Andrieux, Arnault fut désigné pour le remplacer, et l’on trouve dans les recueils de l’Académie trois rapports qu’il fit en cette qualité sur les concours d’éloquence et