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tiquité. Il revint ensuite à Cahors, où il commença ses études en droit et prit ses premiers grades. D. Tarisse ayant un procès devant le parlement de Toulouse, le pria de l’accompagner dans cette ville pour l’aider de ses conseils. D’Artis ne put se refuser au désir de son ami ; il profita de cette circonstance pour suivre les leçons des plus habiles professeurs, et s’étant fait recevoir docteur dans l’une et l’autre faculté, il fréquenta le barreau de Toulouse. Ses talents comme jurisconsulte lui méritèrent la bienveillance du premier président de Verdun, qui le chargea du soin de sa bibliothèque et l’admit à son intimité. En 1612, ce magistrat fut nommé premier président du parlement de Paris, et d’Artis y suivit son protecteur, dont il ne voulut jamais se séparer, malgré les offres les plus séduisantes. Une chaire de droit canonique étant venue à vaquer en 1618 à la faculté de Paris, il se mit sur les rangs et l’obtint au concours. Après la mort de Hugues Guijon (voy. ce nom), en 1622, il fut pourvu de la place de professeur au collège royal. Il remplit ces deux chaires avec beaucoup de zèle et d’exactitude, et mourut le 21 avril 1651. Quoique dépourvu de fortune et sans autre ressource que le traitement de ses deux chaires et le revenu de quelques bénéfices peu considérables qui lui furent accordés sur la fin de sa vie, il ne laissa pas d’amasser plus de 100,000 fr. par son économie, qu’il poussa, dit l’abbé Goujet, peut-être un peu trop loin. (Mémoire sur le collége royal de France, t. 3, p. 390.) Il légua 20,000 fr. à la faculté de droit de Paris pour améliorer le sort des professeurs, et le surplus à la congrégation de St-Maur. D’Artis était très-instruit ; mais il avait plus de mémoire que de jugement, et ses ouvrages, qu’on peut regarder comme des compilations, n’offrent plus aucun intérêt. Doujat (voy. ce nom), son successeur au collège royal, a publié les œuvres d’Artis, Paris, 1656, in-fol. Elles sont précédées d’une vie de l’auteur, que Chr.-Gott. Buder a reproduite avec des notes dans les Vitæ clarissimorum Jurisconsultorum, Iéna, 1722, in-8o. Le P. Niceron, dans ses Mémoires, t. 30, p. 11-14, donne la liste de dix-sept ouvrages d’Artis, dont quatre ne font point partie du recueil publié par Doujat. Mais il n’a pas connu le plus rare de ses opuscules, et le seul qui mérite encore d’être recherché des curieux. Il est intitulé : J. Artisii Admiranda pedis (les Merveilles du pied), Paris, Billaine, 1629, in-8o de 56 pages. D’Artis composa ce petit traité pour se délasser de travaux plus sérieux. Suivant l’usage des savants de son temps, il y prodigue l’érudition. Mais on y trouve aussi quelques bonnes plaisanteries, et des idées singulières sur le rapport qu’on remarque entre le caractère et la forme du pied, idées que des écrivains modernes ont développées, sans rendre à d’Artis l’honneur qui devait lui en revenir. Mercier de St-Léger a donné de cet ouvrage une notice très-intéressante dans l’Année littéraire, 1775, t. 8, p. 44-67. Barbier, dans son Dictionnaire des anonymes, attribue à d’Artis, mais sans en expliquer la raison : Satyra diœtetes, sive arbiter rerum, per Joann. de Manibus, Paris, in-12, 1614, daté par erreur 1514. Ce petit ouvrage est dédié au cardinal du Perron, par une épître au bas de laquelle on trouve, comme sur le frontispice, le nom de Joann. de Manibus. W-s.


ARTIS (Gabriel d’), connu surtout par ses efforts pour empêcher le socinianisme de s’introduire dans les différentes communions protestantes, était né vers 1660, à Milhaud, dans le Rouergue. Ses études théologiques terminées, il se rendit en Prusse avec sa famille, et dut à ses talents pour la chaire d’être attaché à l’Église française de Berlin. Après la révocation de l’édit de Nantes, la plupart des pasteurs avaient été forcés, pour se soustraire a la persécution, de chercher un asile dans les pays étrangers. Cette conduite, qui n’offrait rien que de conforme au véritable esprit de l’Évangile, fut cependant blâmée hautement par quelques protestants zélés. Élie Benoit, dans l’espoir de faire cesser ces déclamations, publia : Histoire et Apologie de la retraite des pasteurs, etc. (Voy. Benoît.) D’Artis y répondit par les Sentiments désintéressés, etc., ouvrage dans lequel il prétend que les pasteurs, en abandonnant leurs églises pendant la persécution, ont trahi leurs devoirs, et qu’ils sont tenus de braver tous les dangers pour se réunir à leur troupeau. Cet ouvrage ne pouvait qu’exciter encore la division qui régnait déjà parmi le clergé protestant. Benoit s’empressa d’y répondre. D’Artis lui répliqua ; mais, à la demande de quelques amis, il consentit à supprimer son manuscrit. Ce sacrifice tardif fait à la paix ne l’empêcha pas d’être suspendu de ses fonctions pastorales par le consistoire de Berlin. Privé de son emploi, il se rendit en Hollande, où il se flattait de trouver dans l’exercice de ses talents les ressources qui lui manquaient du côté de la fortune. Il résolut d’entreprendre un journal, et il en communiqua le plan à Bayle, qui le trouva très-bien conçu (lettre à d’Artis). Le premier numéro parut à Amsterdam, sous le titre de Journal d’Amsterdam, le 3 septembre 1693 ; mais la publication en resta suspendue jusqu’au mois de février suivant. D’Artis étant allé demeurer à Hambourg, y reprit sa feuille, sous le titre de Journal de Hambourg, et la continua jusqu’au 27 avril 1696. Rétabli, vers cette époque, dans ses fonctions pastorales, il revint à Berlin après une absence de douze ans ; mais il ne put y vivre longtemps en bonne harmonie avec ses confrères : il se permit de les accuser de socinianisme, et fut exclu pour la seconde fois du ministère. Il fit, en 1714, un voyage à Deventer. Sur la recommandation de Lacroze, il y reçut un accueil bienveillant de Cuper, qui le jugeait un ministre zèle de Jésus-Christ, mais qui lui souhaitait plus de prudence. (Lettres de critique, etc., p. 162.) L’année suivante, d’Artis se rendit en Suède, puis en Angleterre, où l’on conjecture qu’il fut attaché à l’église St-James de Londres. L’âge n’avait point diminué son ardeur pour les disputes. Ayant eu l’occasion de voir entre les mains d’un de ses amis la traduction française du Nouveau Testament, par Beausobre et Lenfant, il crut y remarquer des traces de socinianisme, et s’empressa de mettre en garde les fidèles contre cette version, par une lettre pas-