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ATH

vie, naquit le 6 mars 1662. Son père, ministre anglican à Middleton, le destins à suivre la même carrière. Il commença ses études au collège de Westminster, et les acheva dans l’université d’oxford, où il montra de bonne heure un goût très-vif pour la littérature. Une défense de la religion protestante, qu’il publia à Oxford en 1687, sous le titre de Réponse à des considérations sur l’esprit de Martin Luther, et sur l’Origine de la Réfomation, réimprimée à Londres, in-8°, en 1725, commença sa réputation. Il s’était chargé de diriger les études du jeune Boyle à l’université d’oxford ; mais les détails de cette éducation et la vie de collège fatiguaient un esprit qui se sentait appelé à de plus hautes destinées. C’est ce qu’il écrivait à son père en 1690 : « Je suis absolument las, lui disait-il, de ce cercle dégoûtant de petites affaires, qui ne peuvent plus ni me distraire ni n’instruire. J’étais fait assurément pour un autre théâtre et pour un autre genre de société. » Ce fut peu de temps après qu’il vint à Londres, où il se livra a la prédication avec un succès qui lui valut la place d’aumônier du roi et quelques bénéfices. En 1700, il fit paraître une lettre pour la défense des droits et des privilèges de la chambre basse de l’assemblée du clergé, nommée en anglais convocation. Cette lettre occasionna une controverse très-vive, dans laquelle plusieurs savants évêques se déclarèrent contre lui ; d’un autre côté, l’université d’oxford le vengea en lui accordant des distinctions honorables. La reine Anne ayant succédé à Guillaume III, Atterbury jouit d’une grande faveur. Il fut élu, en 1710, président de la convocation, et obtint, en 1715, l’évêché de Rochester et le doyenné de Westminster. Il était au moment d’être nommé archevêque de Cantorbéry, lorsque la mort de la reine vint mettre un terme à sa fortune. George Ier, qui lui succéda, avait conçu contre l’évêque de Rochester des préventions qui nuisirent à son avancement. La rébellion qui éclata en 1715, en faveur de la maison de Stuart, donna lieu à l’archevêque de Cantorbéry et à l’évêque de Londres d’adresser à leurs diocésains une exhortation pastorale pour exciter l’affection et le dévouement du clergé au roi et à la maison de Brunswick. L’évêque de Rochester et celui de Bristol refusèrent de signer cette exhortation et de la publier dans leurs diocèses. Ce refus rendit Atterbury suspect à la cour, et sa conduite dans la chambre des pairs, où il se montra presque constamment dans le parti de l’opposition, contribua à fortifier ces soupçons. En 1722, on l’accusa d’être entré dans une conjuration en faveur du prétendant : il fut arrêté, traduit devant un comité du conseil privé, et, après avoir subi un interrogatoire, envoyé prisonnier à la Tour de Londres. Ses liaisons avec quelques partisans de la maison des Stuarts, les sentiments qu’il manifestait souvent dans la société, et son opposition déclarée aux mesures de la cour, donnaient de la probabilité à l’accusation, qui d’ailleurs n’a jamais paru fondée sur aucune preuve positive et légale. La chambre des communes n’en passa pas moins, le 25 mars 1725, un bill d’accusation contre l’évêque ; ce bill ayant été admis par la chambre des pairs, le 9 avril suivant, il fut amené devant la chambre quelques jours après, et il lui fut permis de se défendre lui-même. Il prononça un discours plein d’éloquence, de force et de dignité, dans lequel il réfuta tous les faits allégués contre lui, de manière à convaincre la plus grande partie du public ; mais le parti du gouvernement l’emporta. La chambre des pairs le destitua de toutes ses places, le dépouilla de ses dignités, et le bannit à perpétuité du territoire de la Grande-Bretagne. La sentence eut son exécution, et le 18 juin suivant il fut débarqué à Calais, où il rencontra le lord Bolingbroke, qui, après un long exil, avait enfin obtenu la permission de revenir dans sa patrie : « Il me paraît, milord, et qu’on nous a échangés, lui dit gaiement Atterbury. » Pope dit à cette occasion, dans une de ses lettres : « Apparemment la nation a peur d’être surchargée de mérite, puisqu’elle ne peut regagner un grand homme sans en perdre un autre. » Atterbury alla d’abord à Bruxelles, et ensuite à Paris, où il se livra à la culture des lettres dans une société peu nombreuse, mais choisie, composée d’hommes du monde distingués par leur esprit et leurs connaissances. Madame Morrice, sa fille unique, qu’il aimait tendrement, et qui le méritait par son esprit, ses grâces et ses vertus, alla le joindre en France ; mais elle n’y vint que pour mourir dans les bras de son père, privé, par ce nouveau malheur, de la plus grande consolation qu’il put espérer dans son exil. Il exprima des regrets fort touchants sur cette perte, dans une lettre adressée à Pope, avec qui il entretenait une correspondance, dans laquelle il montre autant d’esprit que de goût, et autant d’attachement pour ses amis que de fermeté et de noblesse dans le caractère. « J’aime ma patrie, dit-il dans une de ses lettres, et je l’aime avec tous ses défauts. J’aime jusqu’à cette partie de la constitution qui m’a blessé sans justice, et qui par là s’est blessée elle-même. Mon dernier vœu sera le même que celui de fra Paolo : Esto perpetua ; si je meurs en terre étrangère, j’expirerai comme le Péloponésien de Virgile :

« Et dulces moriens reminiscitur Argos. »

Atterbury en effet ne revit point sa patrie. Il mourut à Paris, le 15 février 1752. Son corps fut transporté en Angleterre, et enterré dans l’abbaye de Westminster. Il avait ordonné que, sur une urne qui renfermerait son cœur, on gravât cette simple inscription :

In hac urna depositi sunt cineres
Francisci Atterbury, episcopi Roffensis.

Ses sermons, imprimés en 4 vol. in-8°, et le plus considérable de ses ouvrages, sont toujours fort estimés ; mais ses écrits de controverse sont oubliés. Ce qu’on lira toujours avec plaisir, ce sont les lettres qu’il écrivait à ses amis, et dont la plupart ont été conservées parmi celles de Pope et de Swift. On en a fait une collection" sous le titre de : Atterbury’s epistolary Correspondence. Chauffepié a