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publié à Amsterdam des extraits (en français) de quelques lettres critiques sur des écrivains français, adressées (1727) par Atterbury à Thiriot. Huit lettres latines du même auteur ont été insérées dans le tome 4 du Recueil de pièces d’Histoire et de littérature, publié à Paris, en 1751, par l’abbé Granet et par le P. Desmolets. Le caractère d’Atterbury, soit dans sa conduite particulière, soit dans sa vie politique, a été jugé très-diversement, et c’est ce qui arrive à tous les hommes de parti ; mais, on convient généralement qu’il réunissait beaucoup d’esprit à de grandes connaissances, et qu’il fut un très-bon écrivain et un excellent prédicateur. Après avoir été longtemps lié d’amitié avec Pope, il finit par se brouiller avec lui. On prétend qu’il le définissait : Mens curva in corpore curvo.


ATTICUS (Titus Pomponius) était Romain d’origine et de l’ordre des chevaliers. Dès son enfance, il reçut de son père, ami des lettres, toute l’instruction que comportait cet âge. La douceur de sa physionomie et de sa voix, sa facilité et son intelligence lui donnaient sur ses condisciples une supériorité qui excitait leur émulation. Il comptait parmi eux les fils de Marius et de Cicéron, qui furent toujours ses meilleurs amis. Il était très-jeune quand il perdit son père. Sa parenté avec le tribun Sulpicius, qui périt lors des prescriptions de Sylla, le mit en danger. Voyant la désunion qui régnait dans Rome, où les uns se prononçaient pour Sylla, les autres pour Cinna, et ne sachant pas comment y vivre avec dignité, sans blesser un des partis, il se rendit à Athènes avec une grande partie de sa fortune. Sylla, pendant son séjour dans cette ville, eut toujours auprès de lui le jeune Atticus, dont le goût et le savoir le charmaient. Il parlait grec comme s’il fut né à Athènes, et s’exprimait en latin avec tant d’élégance, qu’on lui trouvait une grâce native, plutôt qu’acquise, comme dit Cornelius Nepos. Sylla le pressait de revenir avec lui : « En grâce, lui dit Atticus, ne me menez pas contre ceux que j’ai quittés pour ne pas porter les armes contre vous. » Il rentra dans sa patrie quand tout y fut pacifié. Il avait un oncle, Q. Cæcilius, chevalier romain, homme riche et dur, dont il sut conserver la bienveillance jusqu’au terme de sa carrière : il en fut récompensé : Cæcilius, en mourant, l’institua héritier des trois quarts de ses biens, ce qui lui valut 10 millions de sesterces. En politique, il se trouvait toujours du parti des meilleurs citoyens, et ne laissait pas douter qu’il en fût, sans cependant, comme dit son historien, se risquer au milieu des tempêtes civiles ; il ne demanda point, le pouvant faire avec avantage, les places qui donnaient du crédit ou de l’illustration, parce qu’il n’était plus possible d’y prétendre sans blesser les lois, ni de les remplir sans danger. Il accepta des lieutenances de plusieurs consuls et de plusieurs préteurs ; mais il n’en suivit aucun dans son gouvernement. Il avait soixante ans quand César porta la guerre dans son pays : il profita du privilège de son âge, et ne quitta point Rome. Il fit les frais de tout ce qu’il fallait à ses amis pour aller joindre Pompée, et ne crut point blesser ce général en ne se rendant point auprès de lui : il ne lui devait pas, comme les autres, des honneurs et des richesses. Sa neutralité fut si agréable à César, qu’après sa victoire, loin de l’inquiéter, il lui rendit son neveu et son beau-frère, qui s’étaient trouvés dans le camp de Pompes. Ainsi Atticus évita de nouveaux dangers, en restant fidèle à son plan de conduite : il y tint surtout à la mort de César, quand la république parut tomber entre les mains des deux Brutus et de Cassius. M. Brutus, très-jeune encore, trouva dans Atticus, plus que sexagénaire, un ami, avec lequel il vivait aussi familièrement qu’avec ceux de son âge ; c’était l’âme de ses conseils, et même de ses affaires domestiques. Antoine ne tarda pas à devenir redoutable au parti des conjurés, au point que Brutus et Cassius, désespérant des affaires, se retirèrent dans les gouvernements qui leur avaient été donnés par le sénat, Atticus, qui n’avait pas voulu donner d’argent à ce parti pendant qu’il était puissant, voyant Brutus dans la détresse, et forcé de quitter l’Italie, lui envoya 100 000 sesterces, et donna ordre que, pendant son absence, on lui en fit tenir 500 000 en Épire. Il ne devint pas l’adulateur d’Antoine heureux et puissant, et il n’abandonna pas ses adversaires que la fortune accablait. La guerre s’ouvrit entre Antoine, D. Brutus et Octave. Dans cette crise, Atticus se sauva encore par une rare prudence. Antoine, battu, avait quitté l’Italie ; on poursuivait son parti, on cherchait à dépouiller entièrement Fulvie, sa femme, et on se préparait même à faire périr ses enfants. Atticus, quoique vivant dans la plus intime amitié avec Cicéron et Brutus, ne servit en aucune manière cette animosité contre Antoine. Il cacha, autant qu’il le put, ses amis fugitifs, et les aida dans leurs besoins ; il mit à obliger Fulvie embarrassée dans des procès, et en proie à des terreurs de tout genre, tant d’empressement et de soin, qu’elle ne contracta aucun engagement sans lui, et l’eut pour répondant en toute occasion. Il se plaisait à faire voir qu’il était l’ami, non de la fortune, mais des personnes. On ne pouvait lui supposer des vues intéressées : car comment imaginer qu’Antoine se retrouverait à la tête des affaires ? La fortune changea tout à coup ; le futur triumvir reparut en Italie. Atticus, craignant la proscription qui menaçait les amis de Cicéron et de Brutus, se tint caché, Antoine se ressouvint des services qu’il en avait reçus ; il lui écrivit de sa main, de ne rien craindre, et de venir auprès de lui. Atticus, rendu à la sécurité, étendit ses secours et sa protection à tous les prescrits qui en eurent besoin, présents ou absents. Sauféius, chevalier romain de son âge, et son ami d’études, avait en Italie d’importantes propriétés, que les triumvirs avaient vendues ; Atticus fit si bien que Sauféius apprit en même temps qu’il avait perdu et recouvré ses biens. Il ne profita point de la faveur d’Antoine pour accroître les siens. Quoiquil eût beaucoup d’argent, personne ne fit moins d’acquisitions et ne bâtit moins. Son domestique était nombreux et choisi : il se composait de jeunes gens lettrés, de lecteurs et