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enfance au couvent de St. Léonard de Limoges. Mais la discipline et la monotonie du cloître ne convenaient pas a ses goûts mondains. Pour faire diversion à l’étude du latin et des saintes Écritures, il s’amusa d’abord, en dépit de la règle et d’Apollon, à composer des vers profanes en langue vulgaire. Malgré cette distraction, la vie mouacale lui devint bientôt insupportable. Pousse par le désir de donner carrière à ses passions naissantes, il laissa là le froc et s’enfuit du couvent. Un seigneur généreux, Savary de Mauléon, dont le manoir lui servit d’asile, pourvut à son équipement, et le mit en état de paraître dans le monde. Alors notre moine defroqué put s’abandonner à ses goûts et satisfaire l’impatience où il était de faire admirer ses talents poétiques : il se mit à courir les châteaux, célébrant en vers médiocres et de mauvais goût les charmes et les vertus des nobles dames. Il n’avait point encore trouvé la reine de ses pensées, lorsqu’il vit, pour son malheur, une belle personne qu’il aima soudain d’un véritable amour. Mais la demoiselle, bien avisée sans doute, lui déclara qu’il n’obtiendrait ses bonnes grâces qu’en devenant son époux, et, avant tout, chevalier. Pour remplir cette dernière condition, le poète amoureux eut encore recours à Savary de Mauléon, qui l’arma chevalier, et lui donna, avec l’accolade, une belle armure, des terres et de bonnes rentes. Aubert s’estimait le plus heureux des troubadours, lorsqu’il découvrit qu’un autre partageait avec lui les faveurs de son épouse. Désespéré, il abandonne l’infidèle et va en Espagne chercher des aventures pour tromper sa douleur. Au retour, s’étant arrêté dans je ne sais quelle ville de Provence (à Arles, dit Nostradamus,

qu’on ne doit jamais croire sur parole), il entra dans une maison de courtisanes et ne dut pas être peu surpris d’y trouver sa femme. Qu’on se figure la confusion réciproque de ces nobles époux. Aubert conduisit la châtelaine dans un couvent, où elle fit pénitence le reste de ses jours. Quant à lui, il continua de chanter, et réussit à expulser l’amour de son cœur : c’est ce que prouve la pièce suivante qu’il adressa à sa femme, dans sa prison, pour lui apprendre cette heureuse nouvelle : « L’amour a cru se bien venger en me quittant soudainement, parce que je le grondais et lui reprochais sa faute ; mais il m’a fait en cela une telle faveur, qu’il ne pouvait m’en accorder une plus grande. Plus de chagrin, plus de douleur ; je ne gémis plus comme auparavant ; la gaieté m’est revenue ; le sens et le et jugement qu’amour m’avait ravis en entrant dans mon cœur, je les ai recouvrés quand il m’a quitté. » Il reste de ce troubadour, que Nostradamus fait mourir en 1265, seize pièces envoyées à Savary de Mauléon, au jeune roi Jacques d’Aragon, et à l’empereur Frédéric II.

C. W-r.


AUBERT (Guillaume), sieur de Massoignes, né à Poitiers vers 1551, avocat au parlement de Paris, et ensuite avocat général à la cour des aides, avait acquis, par l’exercice de sa profession, plus de

réputation que de fortune. Suivant la Croix du Maine, il passait pour l’un des hommes les plus savants et les plus éloquents de son temps, ce qui ne l’empêcha pas de vivre dans la misère ; il se vit même obligé, à l’âge de près de soixante ans, de se justifier de ce qu’étant avocat général il continuait à plaider au parlement pour les particuliers, et d’en donner pour raison les tristes circonstances où il se trouvait. On ne peut indiquer au juste l’époque de sa mort, arrivée vers l’an 1596. Il a traduit de l’espagnol le 12e livre d’Amadis de Gaule ; il se proposait d’écrire l’histoire des guerres faites pour la conquête de la terre sainte, et il en fit même imprimer le 1er livre en 1559. Il avait également entrepris de continuer l’histoire de France depuis l’époque des croisades ; mais ces projets n’eurent point de suite. On a de Guillaume Aubert : 1° Discours sur les moyens t’entretenir la paix entre les princes chrétiens, Paris, 1559, in-1° ; traduit en latin par Martin Helsing, Paris, 1560, in-1°. 2° Élégie sur la mort de Joachim du Bellay, 1560, in-4°. 5° Vers à M. de l’Hôpital sur sa nomination à la place de chancelier, 1560, et d’autres sur la mort du comte de Brissac, 1569, in-8°. 1° Hymne sur la venue du roi Henri III, in-8°. 3° Un recueil de vers et de prose (1585), in-8°, qu’il intitula les Retranchements, parce qu’il avait pris sur les heures de ses occupations pour le composer. Scévole de Ste-Marthe a traduit en vers latins la plupart des pièces de poésie de Guillaume Aubert. 6° Histoire des guerres faites par les chrétiens contre les Turcs, sous la conduite de Godefroi de Bouillon, Paris, 1559, in-1° de 71 feuillets. Ce n’est qu’un essai entrepris par l’auteur pour prouver qu’il était capable d’exécuter un ouvrage de longue haleine. 7° Les Occasions, 1595, in-8° de 61 pages. Ce sont quatre discours politiques auxquels il a donné des titres bizarres : les Remueurs, les Chevaux, le Bien public, les Vents. Aucun de ces ouvrages ne justifie la réputation dont a joui leur auteur. 8° Quelques opuscules, sur lesquels on peut consulter la Bibliothèque du Poitou de Dreux du Radier, et les Mémoires de Niceron.

W-s.


AUBERT (Pierre), né à Lyon le 9 février 1642, composa, à l’âge de seize ans, un petit roman, sous le titre de Voyage de l’île d’Amour, qui lui fit concevoir l’idée d’un autre, dont le sujet fut le Retour de l’île d’Amour. Pendant qu’il était à Paris, son père fit imprimer cet ouvrage, contre les intentions de son auteur. Revenu dans sa patrie, Aubert embrassa la profession d’avocat, fut échevin en 1700, et remplit diverses places de judicature jusqu’à sa mort, arrivée le 19 février 1755. Il s’était formé une bibliothèque nombreuse, qu’il légua à la ville de Lyon, pour être rendue publique. On a encore de lui : 1° un Recueil de Factums de différente avocats, Lyon, 1710, 2 vol. in-1° ; 2° une nouvelle édition du Dictionnaire de Richelet, Lyon, 1728, 5 vol. in-fol., édition que les dernières ont fait oublier ; 5° quelques dissertations dans les mémoires et journaux du temps. Elles n’ont pas été recueillies.

A. B-t.


AUBERT. La médecine s’honore de plusieurs médecins de ce nom, dont la réputation néanmoins fut toujours renfermée dans de petites localités.