Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 2.djvu/395

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prendre, sans leur permission, un de ces bacs, et s’en servit pour réparer le grand pont, qui était rompu. Les moines, lésés dans leurs privilèges et dans leurs intérêts, portèrent plainte au parlement, qui leur fit justice, sans toutefois les satisfaire complétement ; et il est à croire que le couvent garda rancune au malencontreux prévôt, et que notre chroniqueur dut être mal disposé pour lui. Quant à J. Juvénal des Ursins, dont le témoignage est également défavorable à Aubriot, il nous suffira de faire observer qu’il était archevêque, et qu’en cet endroit de son récit ; il n’a fait qu’abréger le religieux. Quoi qu’il en soit, Aubriot, comptant toujours sur l’appui de la cour, et plein de cette confiance que donne le sentiment des grands services rendus, bravait la colère de ses ennemis et se riait de leurs attaques. Cependant, lorsqu’il vit que l’affaire était sérieuse, il pria ses protecteurs de faire cesser les poursuites de l’université. Mais celle-ci ne voulut rien entendre ; le duc d’Anjou, régent du royaume, était personnellement intéressé à ne pas se brouiller avec elle ; les seigneurs opposés au duc de Bourgogne, et ceux qui devaient de l’argent à l’accusé, se déclarèrent contre lui. Aubriot, abandonné à ses ennemis, tint bon pendant près d’un an contre leurs excommunications et leurs cris menaçants. Enfin, réduit à la dernière extrémité, et n’espérant plus de secours, il se soumit à la sentence de l’évêque. On le mit aussitôt en prison, et l’instruction de son procès ne traîna pas en longueur. Il en résulta (si on ne l’accusa point à faux, dit Félibien), qu’il méritait d’être brûlé vif. Toutefois l’université, à la prière des princes, voulut bien permettre que la sentence fut adoucie. Le 11 du mois de mai 1381, il fut exposé sur un échafaud dressé dans le parvis Notre-Dame : là, à genoux et sans chaperon, il demanda la faveur de l’absolution, promettant de se soumettre à tout ce qui lui serait imposé ; fit vœu d’offrir des cierges pour les enfants juifs baptisés qu’il avait rendus à leurs parents, et fut absous par l’évêque de Paris, en présence du recteur et des docteurs. Cette cérémonie achevée, l’inquisiteur de la foi fit publiquement lecture de ses crimes ; aprés quoi l’évêque, revêtu de ses habits pontificaux, le condamna à faire pénitence perpétuelle et « en la fosse, » au pain de tristesse et à l’eau de douleur, comme fauteur de la perfidie judaïque et contempteur des sacrements de l’Église, comme hérétique croyant et dogmatisant en hérésie, et méprisant aussi de mille façons les clefs de l’Église. Au grand regret de ses accusateurs et de ses juges, son supplice ne dura pas longtemps. L’année qui suivit sa condamnation (1er mars 1582), les Parisiens s’étant soulevés pour ne pas payer une taxe imposée sur les vivres s’armèrent de maillets de plomb déposés à l’hôtel de ville, mirent en fuite l’évêque et le prévôt, massacrèrent les percepteurs du roi, forcèrent et vidèrent les prisons, et entre autres les oubliettes de l’évêché, où ils trouvèrent messire Aubriot. Ils le reconduisirent en triomphe à sa maison, située rue de Jouy, et lui demandèrent de se mettre à leur tête. Il feignit d’y consentir ; mais il n’avait nulle envie de jouer le rôle de Marcel et de se faire démagogue. C’était un homme d’ordre et de gouvernement, un serviteur exact et vigilant des lois, attentif à les préserver de toute atteinte, excellent pour discipliner une société et la soumettre au principe et à l’action de l’autorité publique. On croira sans peine qu’un magistrat de ce caractère dut s’effrayer à la pensée de se mettre en révolte contre le pouvoir royal. Aussi profita-t-il de la nuit pour s’échapper des mains de ses libérateurs. Il se retira dans son pays natal, et y mourut peu de temps après. — Hugues Aubriot est un des hommes dont la bourgeoisie française peut à bon droit s’enorgueillir. Il reste aujourd’hui peu de chose de ses constructions ; elles paraîtraient bien chétives auprès des magnifiques et gigantesques ouvrages commencés ou achevés sous nos yeux. Mais pour apprécier le mérite et l’importance de ses travaux, il faut se reporter aux temps malheureux où il vivait, et considérer la faiblesse des ressources dont il disposait. « On doit, dit Voltaire, cette justice aux hommes publics qui ont fait du bien à leur siècle, de regarder le point d’où ils sont partis, pour mieux voir les changements qu’ils ont faits dans leur patrie. La postérité leur doit une éternelle reconnaissance des exemples qu’ils ont donnés, lors même qu’ils sont surpassés : cette gloire est leur unique récompense. » C’est sans doute sous l’inspiration de cette généreuse pensée que les magistrats de la ville de Paris, reconnaissants de ce qu’Aubriot avait fait pour elle, l’ont tout récemment honoré d’une statue, que l’on peut voir parmi celles qui décorent l’ancienne façade du palais municipal.

C. W-r.


AUBRY, médecin. Voyez Aubery.


AUBRY (Jacques-Charles), jurisconsulte, né sur la fin du 17e siècle, fut reçu au parlement, en 1707. Ses plaidoyers sont estimés, et l’on doit regretter que ses consultations et ses mémoires imprimés n’aient pas été réunis. Le plus remarquable est contre le comte d’Agénois pour les ducs et pairs. Sa logique était serrée, et il savait surtout fort bien manier l’arme de l’ironie. Il mourut le 22 octobre 1739, âgé de 51 ans. Il laissa deux fils et une fille ; et son fils aîné, qui embrassa la profession de son père, s’y distingua comme lui.

M-X.


AUBRY (Jean-Baptiste), né en 1736 à Deyviller, près d’Épinal, dès l’âge de seize ans se destins a l’état ecclésiastique. Les jésuites, chez qui il avait été élevé, voulaient le faire entrer dans leur société. Aubry choisit l’ordre de St-Benoit, et entra à Moyen-Moutiers, monastère de la congrégation de St-Vannes. Tout son temps était consacré à l’étude et à la lecture, et il avait la méthode de faire, des ouvrages qu’il lisait, des extraits, qui lui furent très-utiles dans la suite ; aussi disait-il : «Ce n’est guère qu’avec des livres qu’on fait des livres. » À la mort de Rémi Cellier, à qui l’on doit l’Histoire des auteurs sacrés et ecclésiastiques, Aubry fut, avec un de ses confrères, chargé de la continuation de cet ouvrage. Les deux collaborateurs eurent bientôt composé un volume, qu’on soumit à plusieurs savants de la congrégation de St-Maur, qui en firent de grands