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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 2.djvu/396

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éloges ; mais l’imprimeur en ayant ottert un prix trop modique, ce travail n’a pas vu le jour, et il est à croire que cet ouvrage restera toujours impmfait. La suppression des ordres monastiques en France mit Aubry dans un état voisin de la misère. Ses ouvrages ne furent pas une source de fortune. Il n’a rien écrit de neuf, de bien saillant, rien qui porte l’empreinte d’un génie original, ni même d’un esprit brillant, mais on remarque dans tous ses écrits la ptueté du style et de la morale. Aubry est mort à Commercy, le 4 octobre 1809. On a de lui : 1° l’Ami philosophe et politique, ouvrage où l’on trouve l’essence, les espèces, les principes, les signes caractéristiques, les avantages el les devoirs de l’amitié, 1776, in-8°. « Votre ouvrage, écrivait d’Alembert a l’auteur, est le livre d’un philosophe a vertueux et citoyen. » 2° Théorie de l’ame des bètes, 1780, nouvelle édition, 1790 5° Questions philosophiques sur la religion naturelle, 1785, in-8°. Toutes les objections des philosophes sont rassemblées dans ce volume, et sont réfutées séparément. Rihallier le censeur, l’abbé Bergier, d’Alembert et Lalande ont fait l’éloge de cet ouvrage. L’abbé Guinot, auteur des Leçons philosophiques, en fit cependant la critique ; et, pour sa défense, Aubry publia ses Lettres critiques sur plusieurs questions de la métaphysique moderne. 4° Cours métaphysique ti un milord incrédule sur l’e.*t : ister.ce et la nature de Dieu, 1790. 5° Questions aun : philosophes du jour, sur l’¢lme et la matière, 1791, id. 6° l’Anti-Condillac, ou Harangue aux idéologues modernes, 1801. 7° Nouvelle Théorie des êtres, 1801. Le Journal des Débats ayant maltraité cet ouvrage, l’auteur publia son Aubade, ou Lettres apologétiques et critiques tl MM. Geoffroy et Mangin. 8° Le Nouveau Mentor, 1807, ouvrage contenant des notions courtes et claires sur les sciences, les belles-lettres et les beaux-arts.

A. B-t.


AUBRY DE MONTDIDIER, chevalier français du temps de Charles V, n’a dû sa célébrité qu’a sa fin tragique et aux circonstances extraordinaires dont elle fut accompagnée et suivie. « Il y avait, dit Bernard de Montfaucon, un gentilhomme que quelques-uns qualifient avoir été archer des gardes du roi Charles V, et que je crois devoir plutôt qualifier gentilhomme ordinaire ou courtisan, parce que l’histoire latine, dont j’ai tiré ceci, le nomme aulicus : c’était, suivant quelques historiens, le chevalier Macaire, lequel étant envieux de la faveur que le roi portait à un de ses compagnons nommé Aubry de Montdidier, l’épia si souvent qu’enfin il l’attaqua dans la forêt de Bondy, accompagné seulement de son chien (que quelques historiens, et nommément le sieur d’Audiguier, disent avoir été un lévrier d’attache) ; et trouvant l’occasion favorable pour contenter sa malheureuse envie, le tua et puis l’enterra dans la forêt, et se sauva après le coup, et revint à la cour tenir bonne mine. Le chien, de son côté, ne bougea jamais de dessus la fosse où son maître avait été mis, jusqu’à ce que la rage de la faim le contraignit de venir à Paris, où le roi était, demander du pain aux amis de son feu maître, et puis tout incontinent s’en retournait au lieu où le misérable assassin l’avait enterré ; et continuant assez souvent cette façon de faire, quelques-uns qui le virent aller et venir tout seul, hurlant et plaignant, et semblant, par des abois extraordinaires, vouloir découvrir sa douleur et déclarer le malheur de son maître, le suivirent dans la forêt, et observant exactement tout ce qu’il faisait, virent qu’il s’arrêtait sur un lieu où la terre avait été prochainement remuée ; ce qui les ayant obligés d’y faire fouiller, ils y trouvèrent le corps mort, lequel ils honorèrent d’une plus digne sépulture, sans pouvoir découvrir l’auteur d’un si exécrable meurtre. Comme donc ce pauvre chien était demeuré à quelqu’un des parents du défunt, et qu’il le suivait, il aperçut furtivement le meurtrier de son premier maître, et l’ayant choisi au milieu de tous les autres gentilshommes ou archers, l’attaqua avec une grande violence, lui sauta au collet, et fit tout ce qu’il put pour le mordre et pour l’étrangler. On le bat, on le chasse, il revient toujours ; et comme on l’empêche d’approcher, il se tourmente et aboie de loin, adressant les menaces du côté qu’il sait que s’est sauvé l’assassin. Et comme il continuait ses assauts toutes les fois qu’il le rencontrait, on commença à soupçonner quelque chose du fait, d’autant que ce pauvre chien n’en voulait qu’au meurtrier, et ne cessait de lui vouloir courir sus pour en tirer vengeance. Le roi étant averti par quelques-uns des siens de l’obstination du chien, qui avait été reconnu appartenir au gentilhomme qu’on avait trouvé enterré et meurtri misérablement, voulut voir les mouvements de cette pauvre bête. L’ayant donc fait venir devant lui, il commanda que le gentilhomme soupçonné se cachât au milieu de tous les assistants, qui étaient en grand nombre. Alors le chien, avec sa furie accoutumée, alla choisir son homme entre tous les autres ; et comme s’il se fût senti assiste par la présence du roi, il se jeta plus furieusement sur lui, et, par un pitoyable aboi, il semblait crier vengeance et demander justice à ce sage prince. Il l’obtint aussi ; car, ce cas ayant paru merveilleux et étrange, joint avec quelques autres indices, le roi fit venir devant soi le gentilhomme, et l’interrogea et presse assez publiquement pour apprendre la vérité de ce que le bruit commun et les attaques et aboiements de ce chien (qui étaient comme autant d’accusations) lui mettaient sus ; mais la honte et la crainte de mourir par un supplice honteux rendirent tellement obstiné et ferme le criminel dans la négative, qu’enfin le roi fut contraint d’ordonner que la plainte du chien et la négative du gentilhomme se termineraient par un combat singulier entre eux deux, par le moyen duquel Dieu permettrait que la vérité fut reconnue. Ensuite de quoi ils furent tous deux mis dans le camp, comme deux champions, en présence du roi et de toute la cour : le gentilhomme armé d’un gros et pesant bâton, et le chien avec ses armes naturelles, ayant seulement un tonneau perce pour sa retraite pour faire ses replacements. Aussitôt que le chien fut lâché, il n’attendit pas que son ennemi vînt à lui : il savait que1