Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 2.djvu/554

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il fit à Bâle, il vit Érasme, B. Rhenanus, Grynaeus, etc., et se concilia leur estime. Ant. Perrenot, connu depuis sous le nom de cardinal de Granvelle, avait étudié sous Babet à Louvain, et il conservait de ses soins la plus tendre reconnaissance. Il lui en donna une preuve, en l’appelant à Besançon pour lui confier l’éducation de ses cousins. En 1548, Babet conduisit ses élèves à Heidelberg pour s’y perfectionner dans la langue allemande ; et il y resta plusieurs mois logé chez Jacques Micyllus, son ami. (Voy. Micyllus.) Les Français s’étant emparés de la Lorraine en 1532, la duchesse Christine vint chercher un asile à la cour de Heidelberg, près de sa sœur, femme de l’électeur palatin. Charmée des talents de Babet, cette princesse l’admit dans son intimité ; et sachant qu’il avait le projet de retourner dans les Pays-Bas, elle l’accompagna jusqu’à Louvain pour jouir plus longtemps de sa conversation. Cette ville, où il avait passé les brillantes années de sa jeunesse, était devenue sa patrie adoptive. Il y termina sa longue carrière, le 19 août 1556. Il légua sa bibliothèque au savant antiquaire J.-J. Boissard, son neveu, qui la fit transporter à Montbéliard, où elle fut détruite dans le sac de cette ville par les Lorrains. (Voy. Boissard.) Babet avait laissé manuscrits des traités de théologie, de grammaire, de dialectique, de rhétorique, et plusieurs poèmes latins. Parmi ces poèmes on en cite un sur les inconvénients attachés à l’emploi de précepteur, qu’il avait dédié à François Richardot, son ami, depuis évêque d’Arras. (Voy. Richardot.) De tous les ouvrages de Babet, il ne reste qu’une églogue latine adressée à Gilb. Cousin sur la mort de Guillaume de la Baulme, son élève, et deux épitres, l’une à Jean de la Baulme (voy. ce nom), et l’autre à Cl. Frontin. Ces trois pièces sont imprimées dans le 1er volume des œuvres de Gilbert Cousin, p. 261, 450 et 455. Dans les Epistolœ laconicœ du même Cousin, on trouve trois lettres adressées à Babet ; ce sont les 35e, 50e et 85e. Boissard a publié la vie de son oncle avec son portrait, dans la Bibl. illustr. virorum, t. 1, p. 275-80. W-s.


BABEUF (François-Noël), le plus radical et le plus audacieux des novateurs enfantés par la révolution, naquit à St-Quentin en 1764. Privé dès l’âge de seize ans de l’appui de ses parents, il entra chez un arpenteur de la petite ville de Roye (Somme), et obtint, au bout de quelques années, la place de commissaire à terrier. Lorsque la révolution éclata, il avait environ vingt-cinq ans. Babeuf en adopta les principes avec enthousiasme, et prit aussitôt la plume pour les propager et les défendre. La violence du Correspondant picard, journal qu’il rédigeait à Amiens, lui attira des poursuites et le fit arrêter. Le 14 juillet 1790, on le mit en liberté. Nommé administrateur du département de la Somme, il fut destitué peu de temps après, puis envoyé avec le même titre à Montdidier ; il fut encore obligé de renoncer à cet emploi, et vint se fixer à Paris. Arrêté de nouveau et mis en jugement, il fut acquitté par le tribunal de l’Aisne. En 1795, Babeuf, qui n’avait joué jusque-là qu’un rôle assez obscur, se plaça tout à coup au premier plan sur la scène politique, et son nom devint bientôt le drapeau des démocrates vaincus et incarcérés par les thermidoriens. L’amnistie de brumaire ayant ouvert les portes des prisons, il travailla activement, de concert avec Darthé et Buonarotti, à rallier et réorganiser le parti populaire. Un comité secret fut d’abord constitué et servit de centre à la société du Panthéon, dont les membres, partisans pour la plupart de l’égalité absolue, étaient désignés par le nom d’égaux. Afin de donner une plus grande publicité à ses théories égalitaires et communistes, Babeuf fonda un journal qu’il intitula le Tribun du peuple, ou le Défenseur de la liberté de la presse ; il signait cette feuille Caïus Gracchus. Proscrit par le directoire, il n’en poursuivit pas avec moins de vigueur et d’audace sa périlleuse entreprise, le renversement du directoire et l’établissement de la république des égaux. Dés le mois de mars 1796, Babeuf et ses amis se constituèrent en directoire secret. Douze commissaires centraux furent établis dans chacun des arrondissements de Paris, afin de mettre les sections, inconnues les unes aux autres, en rapport avec les chefs de la conjuration ; d’autres commissaires furent chargés de gagner les troupes de la garnison ; des agents de propagande se rendirent dans les départements, et surtout à Lyon, à l’effet d’y recruter des forces capables de tenir en échec celles du gouvernement. Vers le milieu d’avril, le parti publia, sous le titre d’Analyse de la doctrine de Babeuf, un manifeste qui jeta l’inquiétude dans Paris, et mit en mouvement tous les ennemis de la contre-révolution. Avant d’engager l’action, les babouvistes sentirent le besoin de s’assurer la coopération d’un comité rival du leur, et composé d’anciens députés montagnards dont le but était de rétablir la constitution de 1795, et de ressaisir les rênes du pouvoir. Une concession eut lieu, et les deux comités, n’en formant plus qu’un, se réunirent le 8 mai chez Drouet. Dans cette séance, l’assemblée fit le dénombrement de ses forces, et arrêta son plan d’attaque : 4,600 hommes étaient prêts à marcher au premier signal ; un grand nombre d’ouvriers devaient se joindre à eux ; d’un autre côté, les rapports des émissaires assuraient que l’artillerie de Vincennes, les Invalides et la légion de police étaient disposés à se déclarer en faveur du mouvement. Déjà les dernières dispositions étaient prises ; les sections, partagées en trois corps, avaient ordre de se porter simultanément sur le directoire, sur le corps législatif et sur l’état-major ; à la même heure, les barrières principales, les postes et les dépôts d’armes devaient être attaqués. Il ne restait plus qu’à fixer le jour du combat dont le succès semblait certain. Mais, au moment d’éclater, cette conjuration formidable échoua comme tant d’autres par la trahison d’un affidé. Depuis le 4 mai, le gouvernement était instruit de ce qui se tramait contre lui, et la police avait eu le temps de prendre ses mesures. Le 10, les principaux conjurés s’étant réunis une dernière fois pour délibérer sur le jour de la prise d’armes, furent arrêtés séance tenante. Babeuf fut saisi à son domicile au moment où il rédigeait avec Buonarotti les manifestes de l’in-