Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 2.djvu/553

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
548
BAB

dispositions, se fit un plaisir de lui communiquer tous les secrets et toutes les finesses de son art. Babbini, dont la prononciation était embarrassée, eut de grandes difficultés à vaincre pour adoucir son organe naturellement rude et sourd ; mais à force de patience et de travail, il parvint à donner à sa voix de basse-contre cette étendue, cette souplesse, cette sonorité qui firent l’étonnement des connaisseurs. Excellent musicien, mais non moins bon acteur, il se fit entendre dans toutes les capitales de l’Europe, et partout il excita le plus vif enthousiasme. L’impératrice Catherine le nomma musicien de sa chambre. Frédéric II, qui l’honora longtemps de sa correspondance, le retint une année à Berlin. Pendant son séjour à Paris, il eut l’honneur de chanter un duetto avec la reine Marie-Antoinette. Dans toutes les cours où il s’arrêta, les princes et les rois ne dédaignèrent pas d’accompagner quelques-uns des airs qu’il chantait. Il était en 1785 engagé au théâtre de Vienne, et en 1789 à celui de Venise, où il fit jouer, avec les costumes, l’opéra des Horaces, de Cimarosa. C’est à Babbini que l’Italie est redevable de cette heureuse innovation. Possesseur d’une fortune immense, il en perdit une partie dans des spéculations commerciales. En 1790, il chanta avec la Monichielli sur le grand théâtre de Turin. Il était passionné pour les arts, et tous ceux qui les cultivaient avec quelque succès trouvaient près de lui des conseils et des encouragements. Plein de tendresse et de respect pour sa tante, il la soigna lui-même dans sa vieillesse et la pleura comme une mère. En quittant le théâtre, il était revenu à Bologne : il y vécut entouré de l’estime et de la considération publiques, partageant son temps entre la culture des lettres et la société de quelques amis. Il mourut le 21 septembre 1816, à 62 ans, et fut inhumé sans aucune pompe dans le cimetière de sa paroisse. M. Pierre Brigheuti a publié l’Éloge de Babbini, Bologne, 1822, in-8o, où il l’offre pour modèle aux musiciens qui voudront s’honorer eux-mêmes en honorant leur pays. W-s.


BABEK (Khorremy, ou Harramy), célèbre imposteur, parut en Perse vers la fin du 2° siècle de l’hégire, et fut le chef d’une secte dont l’histoire et les dogmes nous sont peu connus. Il parait cependant que sa doctrine se composait de nouveaux principes sur la transmigration des âmes, et de quelques erreurs puisées dans le magisme, et dans la secte des Ismaëly, et qu’elle avait pour base le libertinage et l’impiété ; c’est ce qu’indique le surnom de khorremy ou harramy, donné à Babek. La signification de ces deux mots n’est pas la même, et dépend de la manière dont on les écrit. Si l’on adopte le mot khorremy, il désigne un homme livré aux plaisirs des sens. La plupart des auteurs s’accordent à dire qu’il fut donné à Babek, parce qu’on appelait sa religion khorrem-dyn, religion de plaisir ; ces deux mots sont persans. La seconde épithète harramy est un mot arabe qui signifie voleur, criminel. Cette courte digression fait connaître que la licence ou le meurtre était au nombre des principes de cette secte abominable ; et il est bien rare qu’un libertinage effréné ne soit point suivi du crime. Quelque absurde que fût la doctrine de cet imposteur, comme elle favorisait les passions, elle trouva un grand nombre de partisans en Azerbaïdjan, en Arménie et dans toute la Perse. Babek la soutint et la propagea les armes à la main, résista pendant vingt ans aux généraux des califes, entretint des correspondances avec les empereurs grecs, et jeta la terreur jusque dans Bagdad, siége du califat. Enfin il fut vaincu, poursuivi et pris, par force selon quelques auteurs, et par ruse, selon d’autres, l’an 222 de l’hégire (837 de J.-C.), et conduit à Bagdad avec un de ses frères, ses dix-sept enfants et 3,501) de ses prosélytes. Le jour de son entrée dans cette ville fut un jour de fête publique. Le peuple, à peine revenu de sa frayeur, s’abandonna à tous les excès de la joie. Le calife Motassem, alors régnant, avait promis 50,000 ducats à celui qui le tuerait, et le double à celui qui le lui livrerait vivant. Lorsqu’il l’eut en son pouvoir, il lui fit couper les bras et les jambes, et son cadavre, ainsi mutilé, resta plusieurs jours exposé sur la place publique. La mort de Babek désunit son parti, mais ne l’anéantit point. Plusieurs de ses partisans passèrent sur le territoire grec ; le reste se dispersa dans l’empire musulman, et se confondit ensuite avec les différentes sectes nées dans l’islamisme. Reïske dit, dans ses notes sur Aboul-Féda (t. 2, p. 686), que cette secte fut surnommée Muhammarah (rouge), ou parce que ses partisans portaient des vêtements de cette couleur, ou parce qu’ils gratifiaient les musulmans de l’épithète d’âne (hamyr). Le même orientaliste ajoute à cette remarque un passage d’un auteur arabe qu’il croit regarder les Babeky, et d’après lequel la secte de Babek aurait paru, la première fois, en 162 de l’hégire (778 de J.-C.), dans le Thabaristan ; la seconde en 181 (797), dans le Djordjan ; et la troisième fois en 218 (833), dans le Djebal. Cette remarque et la citation dont elle est suivie pourraient donner lieu à la critique de s’exercer, si l’étendue de cet article le permettait ; mais nous ne devons présenter que les faits les plus importants, et si Babek n’a point été le fondateur de sa secte, comme il l’a propagée avec le plus de succès et d’éclat, c’est de lui seul que nous avons dû nous occuper. J-n.


BABET (Hugues), poëte latin et philologue, était né en 1474, à St-Hippolyte, petite ville du comté de Bourgogne. Son père, riche négociant, favorisa son goût pour les lettres, et l’envoya continuer ses études dans les plus célèbres universités de France et d’Allemagne. Le jeune Babet se rendit bientôt très-habile dans les langues anciennes, et fut nommé professeur au collège de Busleiden à Louvain. Mais, avide de nouvelles connaissances, il ne tarda pas à se démettre de sa chaire, et alla visiter les académies d’Oxford et de Cambridge. Ses talents lui méritèrent partout un accueil honorable. S’étant chargé de l’éducation de quelques jeunes Anglais, il les conduisit en Italie, et profita de cette circonstance pour entendre les professeurs les plus distingués de Pavie, de Padoue et de Bologne. De retour à Louvain, il y reprit l’enseignement des langues, et partagea son temps entre ses devoirs et l’étude. Dans un voyage