Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 32.djvu/351

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la vice-régence à la princesse sa femme, sous la direction d’Andrada, et tandis que ce dernier, dans la capitale même, secondé par son frère, récemment introduit dans le cabinet, déjouait les manœuvres des factieux, il pacifia St-Paul, et parcourut les villages, les villes de cette belle vince. Il était au hameau de la Pisanga quand lui fut remis un autre décret des cortès de Lisbonne, décret bien autrement inique et absurde que le premier, et qui ne pouvait manquer d’amener la rupture depuis longtemps prévue des deux pays. Par cet acte inconcevable, les cours suprêmes du Brésil étaient abolies, et pour la moindre affaire, le Brésilien courait risque d’avoir à traverser l’Océan afin de se rendre à Lisbonne ; les membres des municipalités brésiliennes devaient être arrêtés ; le prince était sommé itérativement de quitter de nouveau monde. La roideur, lorsqu’elle s’unit à l’impuissance, est ce qu’il y a de plus maladroit au monde ; il fallait que les législateurs de Portugal fussent plus aveugles que ne l’avait jamais été la cour pour tenir un semblable langage, et tous ceux dont la séparation du Portugal et du Brésil était le vœu public ou secret durent en être charmés. L’Angleterre surtout le vit avec transport, et probablement son ambassadeur n’avait pas été pour rien dans ces mesures irritantes qui devaient détacher de la monarchie lusitanienne sa superbe possession transatlantique, comme d’autres événements avaient détaché de l’Espagne le Mexique, le Pérou, Venezuela et Buenos-Ayres. Quant à dom Pedro, il serait difficile de dire si véritablement l’impatience de porter le sceptre le faisait sourire aux fautes qui le rendaient plus cher aux Brésiliens. Devant un jour réunir les deux pays, et à peu près certain, vu l’âge de son père, de ne pas attendre longtemps, est-il croyable que, par une précipitation mal entendue, il voulut introduire un aussi fâcheux précédent que la séparation, même momentanée, du Portugal et du Brésil ? Et quelque large que soit la part faite à l’entrainement de sa position et de l’âge, peut-on croire qu’il manque absolument de sincérité lorsqu’il écrivait à son père to c’était pour conserver le Brésil à la maison Bragance qu’il s’était fait empereur constitutionnel de ce pays ? Il n’est pas douteux à nos yeux que, animé comme il l’était contre la domination portugaise, et malheureusement ayant des raisons de l’être, le Brésil, s’il ne se fût érigé en monarchie indépendante au profit de dom Pedro, serait devenu république fédérative et aurait achevé de tomber sous l’influence absorbante de la Grande-Bretagne. La résolution du prince fut donc prise ; d’accord avec son ministère, il ne manœuvre plus que dans le sens qui devait au plus tôt amener le divorce politique de la colonie et de la métropole, et substituer à sa régence la souveraineté. Il combattit, il annula silencieusement ses amis du Portugal ; il s’attacha plusieurs des chefs du parti opposé, et se rallia l’une après l’autre les provinces du Brésil autres que Rio-Janeiro, St-Paul et Minas-Geraes. Il s’occupa d’avoir des forces de terre et de mer à sa disposition, et la encore se manifeste la connivence de l’Angleterre dans tous ces événements. Ce fut l’Anglais lord Cochrane qui reçut le commandement de la flotte brésilienne. Quand il lui sembla que tout était mûr pour l’exécution de son dessein, il se fit proclamer empereur par la municipalité de Rio-Janeiro, qui eut l’air d’y être forcée par la masse entière des citoyens, et lui-même, à son tour, eut l’air de céder à un vœu naturel, tandis que, depuis dix mois, il devait avoir travaillé dans ce but, et à son titre nouveau il ajouta l’épithète de constitutionnel, qui semble en être devenue inséparable. Sauf Bahia et Para, les provinces suivirent l’exemple sans opposition sérieuse. L’opinion en Portugal fut moins unanime sur ce point. En général, les courtisans le jugeaient sévèrement, et les cortès étaient encore plus acerbes. Mais le roi ne vit pas l’usurpation de son fils d’un œil aussi courroucé. De nombreuses menaces furent décrétées contre les Brésiliens rebelles ; des escadres partirent pour aller seconder l’opposition que feraient à l’empereur Bahia et Para, et il était permis de regarder l’indépendance du Brésil comme fortement compromise. Mais tous ces efforts pour rétablir la suprématie portugaise furent sans résultat. On a dit que les amiraux étaient porteurs d’instructions secrètes qui, contrairement au vœu des certes, leur ordonnaient de ménager les Brésiliens, de ne pas user de toutes leurs forces, etc., etc. Nous ne nous élèverons ni contre cette hypothèse, qui nous semble très-plausible, ni contre ce qu’on a dit de la correspondance de Jean VI et de son fils, dans laquelle on montre le vieux roi acceptant les explications de Pedro, qui l’assure que, s’il n’eut pris le parti de céder aux vœux de ceux qui lui offraient la couronne du Brésil, ce magnifique pays était perdu pour le Portugal. Certainement, nous croyons beaucoup plus à l’inaction ou à la lenteur volontaire officiers portugais qu’au talent supérieur de l’invincible Cochrane, qui toutefois prit encore bon nombre de navires au Portugal. Mais ces instructions ont du avoir une cause plus haute et plus secrète : cette cause, ou nous nous trompons fort, ou c’est encore l’influence anglaise ! c’est le cabinet de St-James qui, par son ambassadeur, décidait Jean à se résigner, lui représentant qu’après sa mort le Brésil se trouverait invinciblement, et par la nature même des choses, rejoint au Portugal, et à Rio-Janeiro, un autre agent de la Grande-Bretagne parlait à peu près dans les mêmes termes à Pedro, qui effectivement aspirait à réunir les deux couronnes, et qui ne cessa de disposer tout dans cette vue. C’est donc bien à tort que quelques personnes ont cru qu’en montant sur le