Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 32.djvu/352

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trône du Brésil, il avait par avance renoncé à celui du Portugal. Probablement l’Angleterre ne fut pas étrangère non plus à la conclusion du traité de Rio-Janeiro du 27 août 1825, par lequel Jean VI reconnaissait l’indépendance du Brésil et la souveraineté de Pedro, ne se réservant que le titre purement honorifique d’empereur et roi, mais qui ne stipulait rien sur l’ordre de succession. Le 4 mars suivant, Jean VI mourut, et Pedro se trouva de droit maître de la monarchie entière, son père n’ayant fait nulle disposition pour le spolier du Portugal et pour transmettre la couronne à dom Miguel, son autre fils. Nul doute non plus que Pedro ne souhaitât ardemment réunir le Portugal. Mais la politique britannique avait de longue main sa résolution toute prise, et Pedro, au bout de quelques jours il peine de cumul, dut signer un acte solennel par lequel, en octroyant au Portugal une constitution de son choix, il déclarait que l’union des deux pays était une chimère dont il ne fallait pas se flatter, et que par conséquent il abdiquait la couronne en faveur de sa fille ainée, Maria da Gloria, qui prendrait pour époux son oncle dom Miguel. La nécessité a laquelle se trouva ainsi réduit le bouillant Pedro d’abdiquer la plus flatteuse de ses deux couronnes dut être un cruel désappointement, et à partir de ce jour, un découragement, un désenchantement amer dut s’emparer de lui. Plus d’une fois déjà il avait éprouvé de vives contrariétés depuis qu’il était au pouvoir. Peu de souverains peut-être ont plus appris que dom Pedro à quel point il est rude d’avoir à gouverner, au milieu d’éléments nouveaux et avec des moyens insuffisants, des hommes presque ingouvernables, imbus d’idées exagérées et de prétentions extravagantes, quand d’ailleurs on ne possède pas à un éminent degré les talents politiques, la connaissance des hommes, le tact qui partout sait trouver la juste mesure, une persévérance à toute épreuve et l’art de prendre de l’ascendant sur ceux qu’on dirige. Nous venons de dire qu’il y avait parmi les séparatistes de nombreux républicains, et depuis que la cause de l’indépendance brésilienne était en progrès et semblait à la veille d’un triomphe complet, cette fraction du parti ne craignait point de se montrer à découvert et de se poser à part des amis de la monarchie constitutionnelle. Nul doute même que, pour les plus avancés de ce parti, Pedro ne fut qu’un instrument : ils voyaient, dans ses convictions et dans son désir de jouer un rôle en devenant à la fois souverain et fondateur d’un empire, un excellent moyen de faire prendre le change sur leurs projets tandis qu’ils seraient en voie d’exécution, et pour rendre acceptable, soit au roi actuel, soit au futur roi de Portugal, cette indépendance du Brésil, prémisses dont la conséquence devait être évincement de la maison de Bragance au profit de la république. Pedro, à qui l’on parla plus d’une fois de cette tactique, affectait de répondre dans l’hypothèse même d’une république : « Eh! comptez-vous pour rien l’honneur d’être « président ? › Mais il est douteux que des démocrates vainqueurs consentissent jamais à prendre un roi pour président. Les d’Andrada, sans pousser ainsi l’esprit démocratique à l’extrême, sympathisaient pourtant avec ceux qui voulaient circonscrire la royauté dans les plus étroites limites, et la considération dont ils jouissaient, indépendamment de leur position de ministres, éclipsait étrangement celle de l’empereur. Ils avaient même une fois quitté leurs portefeuilles, offusqués de voir le roi donner sa confiance à d’autres, et dom Pedro avait été réduit par la clameur publique à se rendre en personne a leur demeure et à les combler de marques d’honneur pour leur faire reprendre leur poste dans le cabinet. On comprend dans quelle fausse position se trouvait dès lors ce prince, pressé entre les exaltés du dehors et son propre cabinet, entre les dangers dont les républicains l’entouraient et les risques qu’il avait encore à craindre du côté de l’est ; car ni Jean VI ni l’Europe ne l’avait reconnu encore à cette époque. La constitution qu’il s’agissait de formuler pour le Brésil ouvrait un vaste champ aux intrigues et aux manifestations des hommes monarchiques et des démocrates. Ceux-cl étaient en* majorité dans l’assemblée, et chaque jour les voyait faire un pas en avant. Pedro alors résolut de frapper un cou d’État, usant de ce droit que nul système représentatif, sous peine d’être l’absurdité même, ne saurait refuser au monarque, il prononça la dissolution de la redoutable assemblée (25 novembre 1823), et comme il avait eu soin à l~’avance de s’entourer d’une grande force militaire, tous les députés se séparèrent paisiblement et sans tenter l’ombre de résistance. Les d’Andrada, se voyant ainsi privés de l’instrument de leur politique, répondirent en envoyant leur démission, et tous leurs collègues en tirent autant. Eux-mêmes ensuite reçurent ordre de quitter le Brésil, et soit qu’ils regardassent la partie comme désespérée, soit qu’is craignissent de rester trop près de leur ancienne patrie, ils mirent l’océan entre leur ancien maître et eux, et vinrent habiter la France. Trois semaines après, Pedro donnait lui-même une constitution au Brésil, mais une constitution émanée de lui, ou, ce qui revient au même, de son conseil, et non d’une assemblée constituante. Elle n’en était pas plus mauvaise pour cela, et surtout elle pouvait un peu mieux fonctionner que celle dont la constitution des certes était le point de départ, quoique l’on n’y en sentit encore que trop l’influence. Pedro avait été forcé de sacrifier beaucoup à la démocratie, et il ne faisait en cela que remplir ses promesses, car a la journée du 24 novembre, pour faire passer sur la dissolution des représentants, il avait proclamé qu’il donnerait aux Brésiliens