Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 32.djvu/353

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une constitution plus libérale que celle dont leurs mandataires préparaient les articles. Son dessein était-il en réalité de voir mettre en vigueur cette constitution si libérale ? n’espérait-il pas en secret qu’une assemblée générale, sur l’électíon de laquelle il aurait plus d’influence que sur celle des précédents députés, altérerait les dispositions trop désavantageuses à la force du pouvoir exécutif ? c’est ce que nous n’entreprendrons point de discuter. Toujours est-il que le projet de constitution de dom Pedro fut reçu avec beaucoup de faveur et que les municipalités demandèrent qu’il devint le pacte fondamental de l’État sans discussion des représentants de la nation. En conséquence, et l’empereur et le peuple jurèrent le 25 mars (1824), le lendemain du terrible incendie qui consuma le théâtre de St-Jean. Toutefois les provinces de Pernambuco et de Para résistèrent, prétendant que la souveraineté du uple, sinon la constitution, avait été violée par la dissolution de l’assemblée constituante, et de graves désordres eurent lieu dans ces deux sections du Brésil. Finalement pourtant elles firent leur soumission. Le traité de 1825 avec Jean VI et la reconnaissance de l’indépendance de l’empire du Brésil par les divers cabinets européens achevèrent de faire prendre rang au nouvel État parmi les puissances. Les États-Unis et la Grande-Bretagne avaient longtemps auparavant salué de leur adhésion le jeune empire. À présent, il s’agissait d’acquitter le prix de l’émancipation. La protectrice suprême, la Grande-Bretagne, comptait sur un traité de commerce, c’est-à-dire sur un de ces traités qui lui assurent le monopole et qui établissent entre elle et les habitants d’un pays des relations telles que ceux-ci finissent par n’être plus que les commis, les facteurs des Anglais. Déjà Jean VI en avait signé un de ce genre en 1810 ; mais il fallait le renouveler, et le foreign-office eût bien voulu en élargir encore les conditions déjà très-favorables au mercantilisme britannique. Pedro eut assez de fermeté pour se refuser aux sollicitations de l’ambassade anglaise à ce sujet, et le fait de ce refus est un des traits de son règne qui font le plus d’honneur à son caractère comme à ses lumières. Fut-ce pour le punir d’avoir osé méconnaître les vœux de sa puissante alliée que, lors de la mort de Jean VI, force fut à Pedro de renoncer à sa couronne européenne pour ne garder que celle de l’Amérique Nous ne le pensons pas : la politique britannique est inflexible ; de son cou d’œil impitoyable et sec, elle avait jugé que l’union des deux pays donnait ou pourrait donner aux populations qu’elle exploitait une consistance dangereuse ; elle avait en conséquence résolu et opéré la séparation ; elle était bien déterminée à la faire durer. Si Pedro lui avait fait les concessions qu’elle lui demandait, elle eût été un peu plus ingrate, voilà tout, mais elle n’eùt pas varié dans sa détermination, et les deux trônes auraient toujours été à deux princes différents. L’Angleterre, d’ailleurs, trouvait dans l’ensemble des mesures suggérées à Pedro {l’abdication et l’imposition d’une charte aux Portugais) un autre avantage. La France, par sa campagne de 1823, venait de consolider son influence en Espagne d’une façon qui mécontentait extrêmement les Anglais. À la monarchie absolue qui venait d’être rétablie à Madrid opposer la monarchie constitutionnelle, le système représentatif, le gouvernement parlementaire était un moyen de contre-balancer a puissance des Français dans la Péninsule. Toutefois l’abdication de Pedro n’était d’abord que conditionnelle, et la non-exécution des conditions le remettait en possession de ses droits. L’arrangement qu’il avait voulu était-il plus avantageux ? était-il légitime ? était-il possible ? Il nous semble que oui. Quant aux personnes, il confondait de la façon la plus heureuse, et conformément aux précédents portugais (conformément surtout à l’esprit qui avait présidé au choix de l’époux de Marie Ire, les droits incontestables de la fille de Pedro et les prétentions possibles de Miguel. Quant aux choses. il coupait court aux guerres civiles, il satisfaisait sans danger la tendance moderne au gouvernement représentatif, il facilitait des relations amies entre le Portugal et son ancienne colonie, il préparait peut-être la tin de cette dépendance où le cabinet de St-James tenait toujours la cour de Lisbonne. Le choix que Pedro fit de sa sœur, l’infante Isabelle-Marie, pour être régente en attendant l’arrivée et la majorité de la reine sa nièce, était peut-être moins heureux ; cette princesse n’avait pas toute la fermeté, toute la fécondité des ressources nécessaires dans les crises. Mais l’infante écartée, qui Pedro eût-il donc pu investir de la régence ? aurait-ce été la reine mère, Charlotte-Joachime, si connue par son horreur pour les institutions constitutionnelles ? ou bien aurait-ce été dom Miguel lui-même, quand on ne le connaissait encore que comme l’aveugle exécuteur des volontés de celle-ci ? La preuve qu’il eût été téméraire d’agir ainsi, c’est le rôle que joua Miguel dix-huit mois après, c’est surtout la multiplicité des insurrections dont souffrit le Portugal dès avant sonar rivée, et qui réduisirent la régente à implorer le secours du cabinet de Londres contre les bandes absolutistes de Chaves, de Magesse, de Telles Jordao, de Mollelos, qu’appuyait Ferdinand VII. Canning, malgré le mécontentement qu’avait causé le refus du traité de commerce, envoya le général Clinton et 6,000 hommes qui rendirent la partie un peu plus égale. Mais la mort de Canning changea tout de face. Le cabinet Wellington, hostile aux idées libérales, n’eût pas pour cela travaillé à l’abolition du système représentatif en Portugal, s’il eût dû en résulter un mal pour la Grande-Bretagne. Mais, envisageant la question sous un autre point de vue, il