Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 4.djvu/150

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BER vertu desquelles telle on telle substance se combine plus ou moins aisément avec des oxydes, des acides, des alcalis, des terres et particulièrement avec l’alumine. Cet ouvrage, amélioré dans les éditions postérieures, sera le manuel indispensable des teinturiers jusqu’à ce qu’un homme, praticien et chimiste con- ( sommé, réunisse dans un autre vade-mecum la science, . la méthode, la lucidité, tous les procédés expéditifs ( et économiques imagines depuis trente ans, et, s’il est possible, de bonnes figures, avec des échantillons coloriés. Au reste, un homme ordinaire qui possède le manuel de Berthollet doit être en fond pour imaginer des moyens nouveaux ; et, ne fût-ce que sous ce rapport, les Eléments de notre auteur ont rendu un service inappréciable : ils ont inspiré des perfectionnements, et la gloire lui en revient par une voie indirecte. Nous ne mentionnons qu’en passant, malgré l’importance qu’ils ont eue et que quelques-uns ont encore, les travaux que Berthollet publia dans l’espace qui sépare son Analyse de l’acide hydrocyanique de ses Eléments. Ses Observations sur quelques combinaisons de l’acide marin déphlogistiqué (1788) ; sur les combinaisons des oxydes métalliques avec les alcalis et la chaux (1789) ; surta combinaison des oxydes métalliques avec les parties astringente : et les parties colorantes des végétaux (méme année), trouvaient surtout leurs applications dans la teinture, mais enrichissaient aussi la science de vérités théoriques. Sa Suite d’expériences sur l’acide sulfureux (1789), sujet qu’il avait déjà entamé douze ans auparavant, et sur lequel roule un de ses premiers essais, porte plus spécialement ce dernier caractère, ainsi que ses Observations sur la décomposition du tartrite de potasse antimonié et du muriate mercuriel corrosif par quelques substances végétales (1791). Son Précis d’une théorie sur la nature de l’acier et ses préparations (1789) complétait avec bonheur le mémoire que jadis il avait fait en commun avec Vandermonde et Monge, et appuyait ses prétentions à une place dans l’administration de la monnaie. Il obtint, en 1792, ce poste, objet de ses vœux, et là, comme ailleurs, il signala sa présence par des améliorations. Ses Considérations sur les expériences de Priestley, relatives à la décomposition de l’eau (1789), comme ses Observations sur quelques aüs que l’on a opposés d la doctrine antiphlogistique (1791), sont des réponses péremptoires aux derniers partisans de l’antique hypothèse que Priestley, on le sait, défendit jusqu’au dernier soupir. Mais de toutes les expériences qui amenèrent à ces ouvrages, aucune n’est aussi curieuse peut-être que celles qui donnèrent lieu à sa note sur un Procédé pour rendre la chaux d’argent fulminante (1788). Il semblait que ce fût a lui, homme éminemment pacifique et généreux, que la nature se plùt à révéler ses combinaisons les plus redoutables. Toujours suivant, dans les combinaisons les plus diverses, ce chlore qui pour lui était un acide et non un corps simple, Berthollet arriva aux chlorates, qui, comme Beur nom Pindique assez, se composent d’acide chlorique et d’une base, et qui diffèrent essentiellement des muriates jusque-là connus et soumis à l’expéIV

BER fils. rience. Il devina bien dans les premiers la présence d’un acide particulier, mais il n’en connut pas la véritable nature, témoin le nom d’acide muriatique suroxygéné qu’il lui donna. Dans les idées du temps, c’était indiquer ce que tout le monde était disposé à admettre sincèrement, que les deux acides auxquels il croyait ne diffèrent l’un de l’autre que par une proportion d’oxygène plus grande dans le premier, moins grande dans le second. Or, la différence consiste en ceci, que le chlore n’est point un acide, et que le prétendu acide muriatique suroxygéné n’est autre chose que l’acide chlorique ; ou bien encore, dans le cas où l’on admettrait que la comparaison se fit entre deux acides réels, en ceci que l’acide muriatique simple estun hydracide, tandis que l’acide muriatique oxygéné est un oxacitle. On ne sera dès lors point étonné que Berthollet ait seulement pressenti l’existence de cet acide, mais n’ait pu l’obtenir isolé. Comment eût-il pu y pa1·venir sûrement, préoccupé qu’il était de l’idée qui lui présentait de Poxygénc’dans l’hydracide ? Il n’en découvrit pas · moins, en traitant ses muriates par le charbon, le phosphore, le soufre et les acides, ce qu’il nomma les muriates suroxygénés ou oxymuriates, et spécialement Poxymuriate de potasse, dont la vive déflagration au contact du feu lui fit imaginer de le substituer à la poudre de chasse, et dont la force lui parut double de celle de la poudre ordinaire. Ces idées donnèrent lieu, pendant les guerres de la révolution, au projet de remplacer par Foxymuriate de potasse la poudre à canon, qui est bien moins terrible. Un essai en grand se fit à Essonne, sous la présidence de Letrône, directeur des poudres et salpêtres. Au premier choc des pilons, le moulin saute, cinq personnes périssent écrasées par les débris, et cette épreuve tristement décisive fait renoncer à l’emploi d’un corps dont l’expansivité se développe avec autant de force que de facilité. Il ne s’emploie que dans la composition de quelques poudres fulmi- · nantes et potu· les fioles à briquets oxygénés. Mais un composé d’une susceptibilité, d’une irritabilité encore plus grande s’était manifesté à Berthollet dans son laboratoire. En traitant par Pammoniaque de l’oxyde d’argent précipité de l’acide nitrique par l’eau de chaux, il obtint cet épouvantable argent fulminant qui, pour éclater et mettre en pièces, n’attend pas qu’on le triture, qu’on le presse, qu’on le percute, qu’on élève brusquement le degré de température. Malheur à qui ose1·ait l’agiter imprudemment Un seul grain resté au fond d’un vase peut foudroyer celui qui le frotterait. Une fois qu’on est parvenu à l’obtenir, il faut en quelque sorte renoncer à le toucher. Quelquefois, au fond du bocal, im- f mobile et baigné par la liqueur qui en diminue la 5 puissance, le formidable sel éclate et fulmine spon· ’ tanément. Bien d’autres mystères d’extermination s’offrirent, dit-on, à Monge et à Berthollet pendant les essais auxquels ils se livrèrent par ordre du gouvernement républicain. La note dont l’intitulé précède, et des Observations sur quelques combinaisons de l’acùle muriatique oxygéné (adressées à l’académie de Turin, 1798), furent les seules publications que lui 19