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de législateur qui, dans le court espace de quinze mois, ait montré une activité comparable à celle que déploya Boissy d’Anglas depuis la révolution de thermidor jusqu’à la fin de la session conventionnelle (26 octobre 1793). Le 25 août, il prononça un Discours sur la situation intérieure et extérieure de la république. Il communiqua à la tribune, au nom du comité de salut public, et peu de jours après (4 septembre) il fit ratifier le traité de paix entre la république et le landgrave de Hesse-Cassel. Il fit charger le comité d’instruction de présenter la liste des Français auxquels la reconnaissance nationale devait des statues, et il en demanda pour Fénelon, Corneille, Racine, Voltaire, J.-J. Rousseau et Buffon, dont il s’étonnait de ne pas trouver les images dans les places publiques. Le 22 septembre, il proposa, à la suite d’une motion d’ordre, de charger le comité d’instruction publique de présenter, dans deux jours, le plan d’une fête anniversaire de la fondation de la république, ayant en même temps pour objet d’honorer la mémoire des représentants du peuple et de tous les citoyens assassinés par la tyrannie décemvirale. Guyomard demanda la division, ne croyant pas que l’on dût rire et pleurer dans le même jour, et la proposition fut renvoyée au comité d’instruction publique (1)[1]. Dans la séance du 25 septembre Boissy se réunit à Goupilleau et à Jean Debry, pour solliciter une loi contre les journalistes incendiaires. Ce fut quelques jours après la sanglante journée du 13 vendémiaire, où Bonaparte commandait sous Barras, qu’à la suite d’un discours de Boissy, le décret de réunion de la Belgique fut prononcé le 16 octobre (24 vendémiaire). Boissy résuma ainsi son opinion :

« 1° La volonté invariable
« de la nation est de conserver et d’incorporer les
« provinces belgiques : sa gloire le lui commande,
« son intérêt le lui prescrit ; 2° les avantages poli-
« tiques, militaires et commerciaux conseillent cette
« réunion ; 3° l’intérêt et le vœu des Belges la solli-
« citent également : hâtez-vous donc de la prononcer ;
« qu’elle soit le fondement inébranlable des traités
« que la république doit souscrire encore. »

Enfin Boissy, Lanjuinais, Henri Lariviére et Lesage d’Eure-et-Loir eurent à justifier l’éloge qu’ils avaient fait des sections de Paris, lorsqu’on avait proposé la clôture de leurs assemblées générales. - Entré dans le conseil des cinq-cents, Boissy fut bientôt nommé secrétaire (22 novembre 1795). On le vit appuyer la demande des femmes de Collot d’Herbois et de Billaud-Varenne pour la mise en liberté de leurs maris et le payement de leurs indemnités. Cette demande fut repoussée par l’ordre du jour. Le 10 décembre, Boissy fit une motion en faveur de la liberté de la presse, et conclut à ce qu’il fût nommé une

(1) Ce fut le 11 vendémiaire an 4 (5 octobre) que la convention célébra dans son sein l’anniversaire de l’assassinat des Girondins. Tous les députés avaient un crêpe au bras. Divers attributs funéraires étaient placés dans la salle. On lut les noms de quarante-sept conventionnels victimes du régime décemviral ; et le président Baudin rappela, dans un discours, leurs talents, leurs vertus et les services qu’ils avaient rendus à la patrie. Des marches et une musique guerrière terminèrent la séance.

IV.

BOI 601

commission chargée de présenter un projet de loi qui garantît cette liberté, classât et précisât les délits qui peuvent être commis par son abus, et indiquât les moyens de les réprimer. Job Aymé, membre du conseil, était vivement dénoncé et poursuivi par Tallien et Louvet ; Boissy demanda qu’il fût jugé selon les formes constitutionnelles ; mais, après de longs débats, Job Aymé fut expulsé. Boissy parla en faveur des patriotes de la Corse, réfugiés, qui avaient fui la domination des Anglais, alors maîtres de cette île. Il combattit le projet relatif aux parents d’émigrés, et manifesta son indignation contre ceux qui voulaient faire revivre les lois de 1793. Une discussion s’étant engagée relativement à la commission formée pour la liberté de la presse, Boissy s’opposa à toute limitation temporaire. Pastoret soutint que cette liberté était la base de la république et l’effroi de la tyrannie. Jean Debry demandait aussi la suspension. Lemerer soutint qu’avec cette suspension la constitution ne serait qu’une tyrannie organisée. Chénier appuya la suspension et établit que, dans une organisation sociale, liberté illimitée étaient deux mots qui formaient une alliance monstrueuse. M. Doulcet (de Pontécoulant) soutint que les feuilles de Marat et d’Hébert n’étaient devenues dangereuses que par les mesures prohibitives qui furent prises contre elles. Enfin, après de longs débats, le 19 mars, la motion de Boissy d’Anglas fut adoptée, et le conseil des cinq-cents passa à l’ordre du jour sur toutes propositions de mesures prohibitives. Mais la liberté illimitée, loin de sauver la république, précipita sa fin. - Boissy vota ensuite contre le projet de loi sur les parents d’émigrés. Il appuya celui qui avait pour but de fixer le traitement des membres de l’Institut ; et il parla aussi sur les moyens d’encourager les manufactures de papier. Il fut nommé dixième président du conseil, le 19 juillet 1796. Parmi ses nombreux travaux législatifs, nous citerons seulement son rapport pour la réduction du prix des ouvrages périodiques, où il exprimait la crainte que l’augmentation de ce prix n’anéantît la circulation de la pensée ; ses opinions sur le mode de radiation des émigrés ; contre l’amnistie des délits relatifs à la révolution ; sur les prévenus de l’attaque de Grenelle ; en faveur de la lecture d’une pétition des détenus au Temple, lecture qu’il fit ordonner ; pour l’autorisation à donner aux conseils militaires de diminuer ou commuer les peines portées par les lois ; pour que le corps législatif énonçât son vœu en faveur de la paix ; sur la loi du 5 brumaire an 4, et sur son application aux amnisties, qu’il considérait comme une dérogeance à l’acte constitutionnel ; contre la continuation de la prohibition des marchandises anglaises. Il réclama encore la liberté des journaux, et accusa le directoire d’avoir donné l’exemple de la licence, en répandant des calomnies contre les députés. Dans la discussion de la loi du 5 brumaire, il déclara qu’on devait craindre en limitant le choix du peuple, mais qu’il n’y avait point de danger à limiter celui du gouvernement ; et il fit une sortie contre ceux qui avaient ensanglanté Bordeaux et mitraillé Lyon. Enfin il prononça des discours contre les maisons

  1. (1) Ce fut le 11 vendémiaire an 4 (5 octobre) que la convention célébra dans son sein l’anniversaire de l’assassinat des Girondins. Tous les députés avaient un crêpe au bras. Divers attributs funéraires étaient placés dans la salle. On lut les noms de quarante-sept conventionnels victimes du régime décemviral ; et le président Baudin rappela, dans un discours, leurs talents, leurs vertus et les services qu’ils avaient rendus à la patrie. Des marches et une musique guerrière terminèrent la séance.