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était né, vers 1485, à Bourges, de parents pauvres et obscurs[1]. Il apprit cependant les éléments des langues anciennes et acheva ses études à Paris, au collège du Plessis. On sait qu’il cultiva dès sa jeunesse l’art du dessin, et qu’ayant eu l’occasion de visiter l’Italie, il s’arrêta quelque temps à Rome, où il suivit les leçons du collège de la Sapience, et se perfectionna dans le dessin par la copie de l’antique[2]. De retour à Paris, il entra, comme régent, au collège de Bourgogne ; et en 1509 devint l’un des correcteurs de l’imprimerie de Henri Estienne. C’est à lui qu’on doit la révision du Psalterium Quintuplex (voy. Febvre d’Estaples ; de la Cosmographie d’Eneas Sylvius (Pie II) ; du Recueil d’histoires d’Annius de Viterbe (1511, in-4o) ; et de l’ Itinéraire d’Antonin (1512, in-16°). Il orna cette édition de l’ Itinéraire, dont on connaît des exemplaires sur vélin, d’une préface et d’une épître à Philib. Babous, son compatriote et protecteur. Admis en 1512, dans la corporation des libraires de paris (voy. le Catalogue de Lottin, t. I, p. 17), il s’appliqua bientôt à perfectionner les caractères de Josse Badius, et il forma Garamond, l’un des plus célèbres graveurs en ce genre (voy. ce nom). Dès 1516, il obtint un privilège pour l’impression d’Heures à l’usage de Rome et de Paris, décorées de lettres fleuries, d’estampes et d’arabesques de son invention, qu’il exécutait lui-même avec beaucoup de goût. Une foule d’auteurs, parmi lesquels il suffit de citer La Caille (Histoire de l’imprimerie, p. 98) et Mattaire (Annales typographiques, t. 2, p. 550) assurent que Tory était imprimeur à Paris en 1529. Ils se sont trompés, au moins sur la date, puisqu’en 1530, comme on le verra ci-dessous, Tory se servait encore des presses de Colines pour l’impression de ses propres ouvrages. Papillon (Traité de la gravure en bois, t. i, p. 194), cite un ancien livre in-8o, orné d’estampes, à la fin duquel on lit : Parisiis, ex officina Gotofredi Torini regii impressoris, anno salutis 1531. Mais il ne donne point l’intitulé de cet ancien volume in-8o, on ne peut pas vérifier s’il en a copié fidèlement la souscription. Aucun autre auteur n’a cité d’ouvrage sorti des presses de Tory. Lottin (ibid.) ne l’a point classé parmi les imprimeurs de Paris au 16e siècle. On en doit conclure qu’il n’a jamais été que libraire, comme il se qualifie lui-même à la fin de tous les ouvrages que nous avons vus de lui jusqu’ici. Son enseigne était un vase antique, percé d’un foret et placé sur un livre clos à trois chaînes et cadenas[3], avec les mots non plus, auxquels il donne le sens de rien de trop. La brisure de ce vase l’a fait surnommer par les amateurs d’estampes Le Maître au pot cassé. La plupart des estampes dont ses livres sont ornés

XLI

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portent la double croix ou croix de Lorraine, marque de Pierre Woeriot, graveur lorrain (voy. Woeriot). Suivant Papillon (ibid. t. I, p. 509), Tory mourut en 1536. La Monnoie doutait qu’il eût vécu jusque-là. Cependant Lottin place sa mort en 1550 ; et M. A. Bernard vers 1537, non sans raison, et il n’est pas étonnant qu’il ait poussé sa carrière jusqu’à cette époque, puisqu’il ne devait être âgé que d’environ 70 ans. Catherinot, son compatriote, lui a composé une épitaphe très-honorable que La Caille (ibid.) et Maittaire (t. 2, p.357) ont rapportée. C’était un bon homme instruit pour son temps, fort désireux de voir la langue française se maintenir dans sa pureté, par conséquent grand ennemi des forgeurs de mots nouveaux. Il comptait parmi ses protecteurs ou ses amis jean Grollier (voy. Ce nom), qui l’employait à décorer sa bibliothèque[4], et frère de René Massé, de Vendôme, chroniqueur du roi, lequel lui communiqua grand nombre de vieux auteurs français. Tory a traduit en français[5], mais d’après des versions latines, quoiqu’il spût le grec : les Hiéroglyphes d’Orus Apollo[6] ; la Table de l’ancien philosophe Cebès, avec trente dialogues moraux de Lucien, Paris, 1529, deux parties in-16° ; les Politiques ou civiles institutions pour bien régler la chose publique, par Plutarque, Paris, 1530, in-8o ; Lyon, 1534, in-16° ; La Mouche, de Lucien, et La manière de parler et de se taire, in-8o. (Catalogue de la Bible du roi, z, 1918. Il a traduit du latin le Sommaire des chroniques de J. B Egnazio (voy. ce nom, Paris, 1520, in-8o. On a encore de lui : Epitaphia septem de aliquot passionibus, Paris, Sim. De Colines, 1530, in-8o La Monnoie lui reproche d’avoir employé dans cet ouvrage des mots inconnus dans la bonne latinité (Menagiana, t. 4, p. 84) ; mais on ne peut pas présumer qu’un homme si jaloux de la pureté de la langue française se soit relâché de ses principes en latin, et il paraît que son but a été de se moquer du néologisme de l’auteur du Songe de Poliphile (voy. Fr. Colonna) en feignant de le prendre pour modèle. Mais de tous les ouvrages de Tory, le plus remarquable est le suivant : Champfleury, auquel est contenu l’art et science de la due proportion des lettres attiques, qu’on dit autrement antiques, et vulgairement lettres romaines, proportionnées selon le corps et visage humain, Paris, 1529, petit in-fol., fig., réimprimé sous le titre de l’ Art et science de la vraie proportion des lettres attiques, etc., Paris, 1549, in-8o. Ces deux éditions sont également rares ; mais la première est la

  1. C’est lui-même qui nous apprend qu’il est né de petits et humbles parents, et pauvres de biens caduques( Champfleury, p. 2, éd. In-folio.
  2. Voy. Champfleury, fol. III et XXXVIII.
  3. Il donne l’explication de sa marque et de sa devise, ibid. fol. XLIII.
  4. « Ce fut le souvenir de quelque lettre antique que j’avais, dit-il, naguères faictes pour la maison de monseigneur le trésorier des guerres, maître Jehan Groslier, qui me donna l’idée de composer mon Champfleury. » Il le commença le jour de la fête aux roys que l’on comptait 1523. Ibid. fol. 1
  5. Il donna la liste des auteurs que lui avait prêtés frère Massé. Ibid., fol. III et IV.
  6. Il parle de cette translation (ibid. fol. 43), dont il fit un présent à un sien seigneur et bon ami ; mais on ignore si elle a été imprimée.