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lance de ses institutrices, Marie-Louise lut en cachette quelques bons poëtes italiens : il n’en fallut pas davantage pour que son génie poétique se déclarât. On eut beau lui interdire l’encre et les plumes ; du jus de raisin et de petits morceaux de bois qu’elle y trempait lui suffisaient pour fixer ses pensées sur le premier morceau de papier venu. Elle écrivait ainsi, des l’âge de dix ans, ses premiers vers. De retour à quinze ans dans la maison paternelle, et plus libre de suivre ses goûts, elle étudia les poëtes, et, ce qui peut surprendre dans une jeune personne de cet age, le Dante fut celui auquel elle donna la préférence ; elle le relisait sans cesse, l’apprit par cœur, le citait souvent, et se plaisait à en réciter de mémoire les plus beaux endroits. C’est ce qu’on ne devinerait pas en lisant ses poésies, qui sont presque toutes dans le genre anacréontique, et qui brillent surtout par l’élégance, la grâce et la facilité. Elle joignit à ses études poétiques celles de la philosophie de Locke et de Newton, de la physique éclairée par les découvertes modernes, de l’histoire, des langues anglaise et française, et plus particulièrement encore de sa propre langue, qu’elle parlait et qu’elle écrivait avec la plus grande pureté. La colonie arcadienne de Pise la reçut parmi ses membres en 1783 ; elle y prit le nom d’Ermenia Tindarida ; elle fut aussi reçue, en 1786, parmi les Intronati de Sienne. Elle récitait souvent ses vers dans les réunions de la première, et le charme de ses compositions, joint à ceux de sa personne et de sa voix, y excitaient le plus vif enthousiasme. Son caractère était solide, son esprit vif et ses mœurs pures. Depuis la mort de son père, elle vécut dans l’union la plus tendre avec son frère, le chevalier Paul Cicci ; leur maison devint le rendez-vous de tout ce que la ville de Pise avait de plus distingué. Marie-Louise était décidée à conserver son indépendance et à ne se point séparer de sa famille. Sa constitution était faible ; la perte de deux de ses plus intimes amies y porta un coup terrible. Elle négligea une indisposition légère qui devint une maladie grave, et la conduisit au tombeau. Elle mourut le 8 mars 1794, pleurée de ses parents et de tous ses amis. C’est à son frère que l’on doit la jolie édition de ses poésies, imprimée à Parme, avec les caractères de Bodoni, en 1796, in-16. Elles sont précédées d’un éloge de cette aimable muse, écrit avec autant d’esprit que de sensibilité par le docteur Anguillesi. Nous en avons tiré les faits contenus dans cette courte notice. Ce recueil doit plaire à tous ceux qui aiment les jolies éditions et les bons vers.

G—É.


CICÉ. Voyez Champion


CICÉRI (Paul-César de), abbé commendataire de Notre-Dame, en basse Touraine, prédicateur du roi et de la reine, et membre de l’Académie française, né à Cavaillon, le 24 mai 1678, mort le 27 avril 1759, âgé de près de 8l ans. L’abbé Bassinet a publié les Sermons et Panégyriques de Cicéri, Avignon, 1761, 6 vol. in-12. Il y a joint une courte notice sur la vie et les talents de cet orateur, que l’on a comparé à Fléchier. Le panégyrique de St. Louis, qu’il prononça en 1721, mérite d’être distingué ; il est écrit avec beaucoup de talent, et surtout avec une rare impartialité.

C.―T—T.


CICÉRON (Marcus Tullius), naquit à Arpinum, patrie de Marius, la même année que le grand Pompée, le 5 janvier 647 de la fondation de Rome. Il sortait d’une famille anciennement agrégée à l’ordre équestre, mais qui s’était toujours tenue loin des affaires et des emplois. Sa mère s’appelait Helvia. Son père vivant à la campagne, sans autre occupation que l’étude des lettres, conservait d’honorables liaisons avec les premiers citoyens de la république. De ce nombre était le célèbre orateur Crassus, qui voulut bien présider à l’éducation du jeune Cicéron et de son frère Quintus, leur choisit des maîtres et dirigea leurs études. Cicéron, comme presque tous les grands hommes, annonça de bonne heure la supériorité de son génie, et prit dès l’enfance l’habitude des succès et de la gloire. Il fut admiré dans les écoles publiques, honoré par ses condisciples, visité par leurs parents. La lecture des écrivains grecs, la passion de la poésie, la rhétorique, la philosophie, occupèrent les premières années de sa jeunesse. Il écrivit beaucoup en grec, exercice qu’au rapport de Suétone, il continua jusqu’à l’époque de sa préture. Ses vers latins, trop méprisés par Juvénal, trop loués par Voltaire, sont loin de l’élégance de Virgile, et n’ont pas la force de Lucrèce. Ni la poésie ni l’éloquence n’étaient encore formées chez les Romains, et il suffisait à Cicéron d’être le plus grand orateur de Rome. On conçoit à peine les travaux immenses qu’il entreprit pour se préparer à cette gloire. Cependant il fit une campagne sous Sylla, dans la guerre des Marses. De retour à Rome, il suivit avec ardeur les leçons de Philon, philosophe académicien, et de Molon, rhéteur célèbre, et pendant quelques années, il continua d’enrichir son esprit de cette variété de connaissances que depuis il exigea de l’orateur. Les cruautés de Marius et de Cinna, les proscriptions de Sylla passèrent ; et la république, affaiblie et sanglante, resta paisible sous le joug de son impitoyable dictateur. Cicéron, alors âgé de vingt-six ans, fort de ses études et de son génie, parut au barreau, qui venait de s’ouvrir après une longue interruption. Il débuta dans quelques causes civiles, et entreprit une cause criminelle, dont le succès promettait à l’orateur beaucoup d’éclat et de péril, la défense de Roscius Amérinus, accusé de parricide. Il fallait parler contre Chrysogonus, affranchi de Sylla. Cette protection terrible épouvantait les vieux orateurs. Cicéron se présente avec le courage de la jeunesse, confond les accusateurs, et force les juges d’absoudre Roscius. Son discours excita l’enthousiasme ; aujourd’hui même c’est une des harangues de l’orateur que nous lisons avec le plus d’intérêt. On y sent une chaleur d’imagination, une audace mêlée de prudence et même d’adresse, et souvent un excès d’énergie, une surabondance de richesse, qui plaît et entraîne. Cicéron, plus âgé, releva lui-même dans ce premier ouvrage quelques fautes de goût, et sans doute il s’est montré depuis plus pur et plus grand écrivain ; mais il avait déjà toute son éloquence. Après ce brillant succès,