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HISTOIRE DE FRANCE.

ment des petits cultivateurs ayant peu à peu disparu, les grands propriétaires, qui leur succédèrent, y suppléèrent par les esclaves. Ces esclaves s’usaient rapidement par la rigueur des travaux qu’on leur imposait ; ils disparurent bientôt à leur tour. Appartenant en grande partie aux nations civilisées de l’antiquité, Grecs, Syriens, Carthaginois, ils avaient cultivé les arts pour leurs maîtres. Les nouveaux esclaves qu’on leur substitua[1], Thraces, Germains, Scythes, purent tout au plus imiter grossièrement les modèles que les premiers avaient laissés. D’imitation en imitation, tous les objets qui demandaient quelque industrie devinrent de plus en plus grossiers. Les hommes capables de les confectionner, se trouvant

  1. On a trouvé à Antibes l’inscription suivante :
    D. M.
    PVERI SEPTENTRI
    ONIS ANNOR XII QUI
    ANTIPOLI IN THEATRO
    BIDVO SALTAVIT ET PLA
    CVIT.

    « Aux mânes de l’enfant Septentrion, âgé de douze ans, qui parut deux jours au théâtre d’Antibes, dansa et plut. » Ce pauvre enfant est évidemment un de ces esclaves qu’on élevait pour les louer à grand prix aux entrepreneurs de spectacles, et qui périssaient victimes d’une éducation barbare. Je ne connais rien de plus tragique que cette inscription dans sa brièveté, rien qui fasse mieux sentir la dureté du monde romain… « Parut deux jours au théâtre d’Antibes, dansa et plut. » Pas un regret. N’est-ce pas là en effet une destinée bien remplie ! Nulle mention de parents ; l’esclave était sans famille. C’est encore une singularité qu’on lui ait élevé un tombeau. Mais les Romains en élevaient souvent à leurs joujoux brisés. Néron bâtit un monument « aux mânes d’un vase de cristal. »