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LA GAULE SOUS L’EMPIRE. DÉCADENCE DE L’EMPIRE.

aussi de plus en plus rares, les produits de leur travail enchérirent chaque jour. Dans la même proportion devaient augmenter les salaires de tous ceux qu’employait l’État. Le pauvre soldat qui payait la livre de viande cinquante sous[1] de notre monnaie, et la plus grossière chaussure vingt-deux francs, ne devait-il pas être tenté de réclamer sans cesse de nouveaux adoucissements à sa misère et de faire des révolutions pour les obtenir ? On a beaucoup déclamé contre la violence et l’avidité des soldats, qui, pour augmenter leur solde, faisaient et défaisaient les empereurs. On a accusé les exactions cruelles de Sévère, de Caracalla, des princes qui épuisaient le pays au profit du soldat. Mais a-t-on songé au prix excessif de tous les objets qu’il était obligé d’acheter sur une solde bien modique ? Les légionnaires révoltés disent dans Tacite : « On estime à dix as par jour notre sang et notre vie. C’est là-dessus qu’il faut avoir des habits, des armes, des tentes ; qu’il faut payer les congés qu’on obtient, et se racheter de la barbarie du centurion, etc.[2]. »

Ce fut bien pis encore lorsque Dioclétien eut créé une autre armée, celle des fonctionnaires civils. Jusqu’à lui il existait un pouvoir militaire, un pouvoir

  1. Voy. M. Moreau de Jonnès, Tableau du prix moyen des denrées d’après l’édit de Dioclétien retrouvé à Stratonicé : Une paire de caligæ (la plus grossière chaussure) coûtait 22 fr. 50 c. ; la livre de viande de bœuf ou de mouton, 2 fr. 50 c. ; de porc, 3 fr. 60 c. ; le vin de dernière qualité, 1 fr. 80 c. le litre ; une oie grasse, 45 fr. ; un lièvre, 33 fr. ; un poulet, 13 fr. ; un cent d’huitres, 22 fr., etc.
  2. Tacite. — L’empereur finit par être obligé d’habiller et nourrir le soldat. Lampride.