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PRÉFACE DE 1869.

Contre ceux qui poursuivent cet élément de race et l’exagèrent aux temps modernes, je dégageai de l’histoire elle-même un fait moral énorme et trop peu remarqué. C’est le puissant travail de soi sur soi, où la France, par son progrès propre, va transformant tous ses éléments bruts. De l’élément romain municipal, des tribus allemandes, du clan celtique, annulés, disparus, nous avons tiré à la longue des résultats tout autres, et contraires même, en grande partie, à tout ce qui les précéda.

La vie a sur elle-même une action de personnel enfantement, qui, de matériaux préexistants, nous crée des choses absolument nouvelles. Du pain, des fruits, que j’ai mangés, je fais du sang rouge et salé qui ne rappelle en rien ces aliments d’où je les tire. — Ainsi va la vie historique, ainsi va chaque peuple se faisant, s’engendrant, broyant, amalgamant des éléments, qui y restent sans doute à l’état obscur et confus, mais sont bien peu de chose relativement à ce que fit le long travail de la grande âme.

    ami, M. Henri Martin. Du reste, ce dissentiment ne diminue en rien mon estime sympathique pour sa grande et très-belle histoire, si instructive, si riche de recherches et d’idées. Il a été infiniment utile, pour raviver la tradition nationale, trop effacée, que deux histoires qui s’aident, se suppléent l’une l’autre, aient paru simultanément.