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LA GAULE SOUS L’EMPIRE. DÉCADENCE DE L’EMPIRE.

Nord, surtout dans les campagnes. Au ive siècle encore saint Martin y trouvait à convertir des peuplades entières, et des temples à renverser[1]. Cet ardent missionnaire devint comme un Dieu pour le peuple. L’Espagnol Maxime, qui avait conquis la Gaule avec une armée de Bretons, ne crut pouvoir s’affermir qu’en appelant saint Martin auprès de lui. L’impératrice le servit à table. Dans sa vénération idolâtrique pour le saint homme, elle allait jusqu’à ramasser et manger ses miettes. Ailleurs, on voit des vierges, dont il avait visité le monastère, baiser et lécher la place où il avait posé les mains. Sa route était partout marquée par des miracles. Mais ce qui recommande à jamais sa mémoire, c’est qu’il fit les derniers efforts pour sauver les hérétiques que Maxime voulait sacrifier au zèle sanguinaire des évêques[2]. Les pieuses fraudes ne lui coûtèrent rien, il trompa, il mentit, il compromit sa réputation de sainteté ; pour nous, cette charité héroïque est le signe auquel nous le reconnaissons pour un saint.

  1. Quels temples ? Je serais porté à croire qu’il s’agit ici de temples nationaux, de religions locales. Les Romains qui pénétrèrent dans le Nord ne peuvent, en si peu de temps, avoir inspiré aux indigènes un tel attachement pour leurs dieux. (Sulp. Sev., Vita S. Martini.) Voyez les Éclaircissements à la fin de ce chapitre.
  2. Id., Ibid., ap. Scr. Fr. I, 573. V. aussi Grég. de Tours, l. X, c. xxxi. — Saint Ambroise, qui se trouvait en même temps à Trêves, se joignit à lui (Ambros., Epist. 24, 26). Saint Martin avait fondé un couvent à Milan, dont saint Ambroise occupa bientôt le siège (Greg. Tur., l. X, c. xxxi). On sait quelle résistance Ambroise opposa aux Milanais qui l’appelaient pour évêque. Il fallut aussi employer la ruse, et presque la violence, pour faire accepter à saint Martin l’évêché de Tours. (Sulp. Sev., loco citato.)