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ÉCLAIRCISSEMENTS


SUR LA LÉGENDE DE SAINT MARTIN. (Voy. p. 119.)

Cette légende du saint le plus populaire de la France nous semble mériter d’être rapportée presque entièrement, comme étant l’une des plus anciennes, et de plus écrite par un contemporain ; ajoutez qu’elle a servi de type à une foule d’autres.

Ex Sulpicii Severi Vita B. Martini :

Saint Martin naquit à Sabaria en Pannonie, mais il fut élevé en Italie, près du Tessin ; ses parents n’étaient pas des derniers selon le monde, mais pourtant païens. Son père fut d’abord soldat, puis tribun. Lui-même, dans sa jeunesse, suivit la carrière des armes, contre son gré, il est vrai, car dès l’âge de dix ans il se réfugia dans l’église et se fit admettre parmi les catéchumènes ; il n’avait que douze ans, qu’il voulait déjà mener la vie du désert, et il eût accompli son vœu, si la faiblesse de l’enfance le lui eût permis… Un édit impérial ordonna d’enrôler les fils de vétérans ; son père le livra ; il fut enlevé, chargé de chaînes, et engagé dans le serment militaire. Il se contenta pour sa suite d’un seul esclave, et souvent c’était le maître qui servait ; il lui déliait sa chaussure et le lavait de ses propres mains ; leur table était commune… Telle était sa tempérance, qu’on le regardait déjà, non comme un soldat, mais comme un moine.

« Pendant un hiver plus rude que d’ordinaire, et qui faisait mourir beaucoup de monde, il l’encontre à la porte d’Amiens un pauvre tout nu ; le misérable suppliait tous les passants, et tous se détournaient. Martin n’avait que son manteau ; il avait donné tout le reste ; il prend son épée, le coupe en deux et en donne la moitié au pauvre. Quelques-uns des assistants se mirent à rire de le voir ainsi demi-vêtu et comme écourté… Mais la nuit suivante Jésus-