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ÉCLAIRCISSEMENTS.

« Lorsque saint Hilaire revint de l’exil, il le suivit, et se bâtit un monastère près de la ville. Un catéchumène se joignit à lui… Pendant l’absence de saint Martin, il vint à mourir, et si subitement, qu’il quitta ce monde sans baptême… Saint Martin accourt pleurant et gémissant. — Il fait sortir tout le monde, se couche sur les membres inanimés de son frère… Lorsqu’il eut prié quelque temps, à peine deux heures s’étaient écoulées ; il vit le mort agiter peu à peu tous ses membres et palpiter ses paupières rouvertes à la lumière. Il vécut encore plusieurs années.

« On le demandait alors pour le siège épiscopal de Tours ; mais, comme on ne pouvait l’arracher de son monastère, un des habitants, feignant que sa femme était malade, vint se jeter aux pieds du saint, et obtint qu’il sortit de sa cellule. Au milieu de groupes d’habitants disposés sur la route, on le conduisit sous escorte jusqu’à la ville. Une foule innombrable était venue des villes d’alentour pour donner son suffrage. Un petit nombre cependant, et quelques-uns des évêques, refusaient Martin avec une obstination impie : « C’était un homme de rien, indigne de l’épiscopat, et de pauvre figure, avec ses habits misérables et ses cheveux en désordre. »… Mais, en l’absence du lecteur, un des assistants, prenant le psautier, s’arrête au premier verset qu’il rencontre, c’était le psaume : Ex ore infantium et lactentium perfecisti laudem, ut destruas inimicum et defensorem. Le principal adversaire de Martin s’appelait précisément Defensor. Aussitôt un cri s’élève parmi le peuple, et les ennemis du saint sont confondus.

« Non loin de la ville était un lieu consacré par une fausse opinion comme une sépulture de martyr. Les évêques précédents y avaient même élevé un autel… Martin, debout près du tombeau, pria Dieu de lui révéler quel était le martyr, et ses mérites. Alors il vit à sa gauche une ombre affreuse et terrible. Il lui ordonne de parler : elle s’avoue pour l’ombre d’un voleur mis à mort pour ses crimes, et qui n’a rien de commun avec un martyr. Martin fit détruire l’autel.

« Un jour il rencontra le corps d’un gentil qu’on portait au tombeau avec tout l’appareil de funérailles superstitieuses ; il en était éloigné de près de cinq cents pas, et ne pouvait guère distinguer ce qu’il apercevait. Cependant, comme il voyait une troupe de paysans, et que les linges jetés sur le corps voltigeaient agités par le vent, il crut qu’on allait accomplir les profanes cérémonies