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HISTOIRE DE FRANCE.

sions solennelles emprunter les caractères grecs, mais le génie hellénique était trop dédaigneux des barbares pour gagner sur eux une influence réelle. Peu nombreux, traversant le pays avec défiance et seulement pour les besoins de leur commerce, les Grecs différaient trop des Gaulois, et de race et de langue ; ils leur étaient trop supérieurs pour s’unir intimement avec eux. Il en était d’eux comme des Anglo-Américains à l’égard des sauvages leurs voisins ; ceux-ci s’enfoncent dans les terres et disparaissent peu à peu, sans participer à cette civilisation disproportionnée, dont on avait voulu les pénétrer tout d’un coup.

C’est assez tard, et surtout par la philosophie, par la religion, que la Grèce a influé sur la Gaule. Elle a aidé Pélage, mais seulement à formuler ce qui était déjà dans le génie national. Puis, les barbares sont venus, et il a fallu des siècles pour que la Gaule ressuscitée se souvint encore de la Grèce.

L’influence de Rome est plus directe ; elle a laissé une trace plus forte dans les mœurs, dans le droit et dans la langue. C’est encore une opinion populaire que notre langue est toute latine. N’y a-t-il pas ici pourtant une étrange exagération ?

Si nous en croyons les Romains, leur langue prévalut dans la Gaule[1], comme dans tout l’Empire. Les vain-

  1. S. August., de civ. Dei, l. XIX, c. vii : « At enim opera data est ut imperiosa civitas non solum jugum, verum etiam linguam suam domitis gentibus, per pacem societatis imponeret. »

    Val. Max., l. II, c. ii : « Magistratus vero prisci, quantopere suam populique romani majestatem retinentes se gesserint, hinc cognosci potest, quod, inter cætera obtinendæ gravitatis indicia,