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RÉCAPITULATION. — SYSTÈMES DIVERS.

cus étaient censés avoir perdu leur langue, en même temps que leurs dieux. Les Romains ne voulaient pas savoir s’il existait d’autre langue que la leur. Leurs magistrats répondaient aux Grecs en latin. C’est en latin, dit le Digeste, que les préteurs doivent interpréter les lois.

Ainsi les Romains, n’entendant plus que leur langue dans les tribunaux, les prétoires et les basiliques, s’imaginèrent avoir éteint l’idiome des vaincus. Toutefois plusieurs faits indiquent ce que l’on doit penser de cette prétendue universalité de la langue latine. Les Lyciens rebelles ayant envoyé un des leurs, qui était citoyen romain, pour demander grâce, il se trouva que le citoyen ne savait pas la langue de la Cité[1]. Claude s’aperçut qu’il avait donné le gouvernement de la Grèce, une place si éminente, à un homme qui ne savait pas le latin. Strabon remarque que les tribus de la Bétique, que la plupart de celles de la Gaule méridionale, avaient adopté la langue latine ; la chose n’était donc pas si commune, puisqu’il prend la peine

    illud quoque magna cum perseverantia custodiebant, ne Græcis unquam nisi latine responsa darent. Quin etiam ipsa linguæ volubilitate, qua piurimum valent, excussa, per interpretem loqui cogebant ; non in urbe tantum nostra, sed etiam in Græcia et Asia ; quo scilicet latinæ vocis honos per omnes gentes venerabilior diffunderetur. »

    L. Decreta, D. l. XLII, t. I : « Decreta a prætoribus latine interponi debent. » — Tibère s’excusa auprès du sénat d’employer le mot grec de monopole… « Adeo ut monopolium nominaturus, prius veniam postularit quod sibi verbo peregrino utendum esset ; atque etiam in quodam decreto patrum, cum ἕμϐλημα recitaretur, commutandam censuit vocem. » Suet., in Tiber., c. lxxi.

  1. Dion Cassius.