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HISTOIRE DE FRANCE.

l’évêque de Clermont, Sidonius Apollinaris, remercie son beau-frère, le puissant Ecdicius, de ce qu’il a fait déposer à la noblesse arverne la rudesse du langage celtique.

Quelle était, dira-t-on, cette langue vulgaire des Gaulois ? Y a-t-il lieu de croire qu’elle ait été analogue aux dialectes gallois et breton, irlandais et écossais ? On serait tenté de le penser. Les mots Bec, Alp, bardd, derwidd (druide), argel (souterrain), trimarkisia (trois cavaliers)[1], une foule de noms de lieux, indiqués dans les auteurs classiques, s’y retrouvent encore aujourd’hui sans changement.

Ces exemples suffisent pour rendre vraisemblable la perpétuité des langues celtiques et l’analogie des an-

    dans la vie de saint Columban (Acta SS. sec. II, p. 17) : « Ferusculam, quam vulgo homines squirium vocant (un écureuil). » Il est curieux de voir poindre ainsi peu à peu, dans un patois méprisé, notre langue française.

  1. Alb, d’où : Alpes, Albanie ; penn, pic, d’où : Apennins, Alpes Pennines. — Bardd, Βάρδοι, ap. Strab., l. IV, et Diod., l. V. Bardi, ap. Amm. Marc, l. XV, etc. — Derwydd (V. note p. 41) ; aujourd’hui encore en Irlande, Drui signifie magicien ; Druidheacht, magie ; Tolland’s Letters, p. 58. Dans le pays de Galles, on appelle les amulettes de verre : gleini na Droedh, verres de druides. — Trimarkisia, de tri, trois, et marc, cheval. Owen’s welsch Dictionn. Armstrong’s gael dict. « Chaque cavalier gaulois, dit Pausanias (l. X, ap. Scr. fr. I, 469), est suivi de deux serviteurs qui lui donnent au besoin leurs chevaux ; c’est ce qu’ils appellent dans leur langue Trimarkisia (τριμαρϰισια) du mot celtique marca. » — À ces exemples on en pourrait joindre beaucoup d’autres. On retrouve le gœsum (javelot gaulois) des auteurs classiques dans les mots galliques ; gaisde, armé ; gaisg, bravoure, etc. Le cateia, dans gath-teht (prononcez ga-té). La rotta, ou chrotta (Fortunat, VII, 8), dans le gaélique cruit le cymrique crwdd, est la roite du moyen âge. — Le sagum dans l’armorie sae, etc., etc.