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HISTOIRE DE FRANCE.

non plus l’usage qu’elle devait en faire. Il le lui dit pourtant, et, pour lui complaire, se coucha lui-même dans son tombeau[1].

En attendant le jour de sa résurrection, elle chante et pleure cette grande race[2]. Ses chants sont pleins de larmes, comme ceux des Juifs aux fleuves de Babylone. Le peu de fragments ossianiques qui sont réellement antiques portent ce caractère de mélancolie. Nos Bretons, moins malheureux, sont dans leur langage pleins de paroles tristes ; ils sympathisent avec la nuit, avec la mort : « Je ne dors jamais, dit leur proverbe, que je ne meure de mort amère. » Et à celui qui passe sur une tombe : « Retirez-vous de dessus mon trépassé ! » « La terre, disent-ils encore, est trop vieille pour produire. »

Ils n’ont pas grand sujet d’être gais ; tout a tourné

  1. C’est l’histoire d’Adam et Ève, de Samson et Dalila, d’Hercule et Omphale ; mais la légende celtique est la plus touchante. M. Quinet l’a reprise et agrandie dans son poème : Merlin l’enchanteur (1860). Ce n’est pas dans une note qu’on peut parler d’un tel livre, l’une des œuvres capitales du siècle.
  2. Voici la plus populaire des chansons galloises : elle est mêlée d’anglais et de gallois :

     Doux est le chant du joyeux barde,
    Ar hyd y Nôs (toute la nuit) ;
    Doux le repos des pasteurs fatigués,
    Ar hyd y Nôs ;
    Et pour les cœurs oppressés de chagrin,
    Obligés d’emprunter le masque de la joie.
    Il y a trêve jusqu’au matin,
    Ar hyd y Nôs.

    (Cambro-Briton, novembre 1819.)