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HISTOIRE DE FRANCE.

moral comme la nature, avide comme les éléments[1], absorbant comme l’eau ou le feu.

On douterait qu’il eût existé comme homme, si tous les auteurs du ve siècle ne s’accordaient là-dessus, si Priscus ne nous disait avec terreur qu’il l’a vu en face, et ne nous décrivait la table d’Attila. Et dans l’histoire aussi elle est terrible cette table, quoiqu’on n’y trouve pas, comme dans les Niebelungen, les funérailles de toute une race. Mais c’est un grand spectacle d’y voir à la dernière place, après les chefs des dernières peuplades barbares, siéger les tristes ambassadeurs des empereurs d’Orient et d’Occident. Pendant que les mimes et les farceurs excitent la joie et le rire des guerriers barbares, lui, sérieux et grave, ramassé dans sa taille courte et forte, le nez écrasé, le front large et percé de deux trous ardents[2], roule de sombres pensées, tandis qu’il passe la main dans

  1. On voit dans Priscus et Jornandès les Grecs et les Romains l’apaiser souvent par des présents (Priscus, in Corp. Hist. Byzantinæ, I, 72. — Genséric le détermine, par des présents, à envahir la Gaule. — Pour réparation d’un attentat à sa vie, il exige une augmentation de tribut, etc.). — Dans le Wilkinasaga, c. lxxxvii, il est appelé le plus avide des hommes ; c’est par l’espoir d’un trésor que Chriemhild le décide à faire venir ses frères dans son palais.
  2. Jornandès, de rebus Getic. ap. Duchesne, I, 226 : « Forma brevis, lato pectore, capite grandiori, minutis oculis, rarus barba, canis aspersus, simo naso, teter colore, originis suæ signa referens. » — Amm. Marcel., XXXI, 1. « Hunni… pandi, ut bipedes existimes bestias : vel quales in commarginandis pontibus effigiati stipites dolantur incompti. » Jornandes, c. xxiv. « Species payenda nigredine, sed veluti quædam (si dici fas est) offa, non facies, habensque magis puncta quam lumina. »