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HISTOIRE DE FRANCE.

jardin de fleurs, comme dans la rosée du matin. Oh ! l’aurore ! oh ! la douce enfance ! oh ! bonne nature naturelle ! quelle santé cela fit en moi, après les dessèchements de ma subtilité mystique ! Comme elle m’apparut maigre, cette poésie byzantine, malade et stérile, étique ! Je la ménageais encore. Mais qu’elle me semblait pauvre en présence de l’humanité ! Je la possédais, celle-ci, je la tenais, je l’embrassais et dans le détail si riche de sa variété sans bornes (feuillue comme les forêts de l’Inde où chaque arbre est une forêt) et, en regardant de haut, je voyais son harmonie douce, clémente, qui n’étouffe rien ; je saisissais le divin de son adorable unité.

Si richement abreuvé, alimenté de la nature, augmentant dans ma substance, j’eus un immense accroissement de solidité dans mon art, et (le dirai-je ? mais c’est vrai) un accroissement de bonté, l’insouciance, l’ignorance absolue des concurrences, par suite une vaste sympathie pour l’homme (que je ne voyais guère), pour la société, le monde (que je ne fréquentai jamais).

J’avais la sécurité d’un corps devenu ferme et fort où la bonne nourriture a changé et remplacé par atome et molécule tout ce qui fut faible d’abord. Je n’étais pas même effleuré des malveillances doctrinaires. Non moins indifférent étais-je aux embûches des catho-