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CARLOVINGIENS.

gieuse de ces brigands, qui voltigeaient partout, semblait les multiplier ; ils commençaient à passer en plus grand nombre : on craignait que, selon leur usage, après avoir fait un désert d’une partie des contrées du Midi, ils ne finissent par s’y établir. Eudes, défait une fois par eux, s’adressa aux Francs eux-mêmes ; une rencontre eut lieu près de Poitiers entre les rapides cavaliers de l’Afrique et les lourds bataillons des Francs (732). Les premiers, après avoir éprouvé qu’ils ne pouvaient rien contre un ennemi redoutable par sa force et sa masse, se retirèrent pendant la nuit. Quelle perte les Arabes purent-ils éprouver, c’est ce qu’on ne saurait dire. Cette rencontre solennelle des hommes du Nord et du Midi a frappé l’imagination des chroniqueurs de l’époque ; ils ont supposé que ce choc de deux races n’avait pu avoir lieu qu’avec un immense massacre[1]. Charles Martel poussa jusqu’en Languedoc, il assiéga inutilement Narbonne, entra dans Nîmes et essaya de brûler les Arènes, qu’on avait changées en forteresse. On distingue encore sur les murs la trace de l’incendie.

  1. Selon Paul Diacre (l. IV), les Sarrasins perdirent trois cent soixante-quinze mille hommes. — Isidore de Béjà a raconté cette guerre vingt-deux ans après la bataille, dans un latin barbare. Une partie de son récit est en rimes, ou plutôt en assonances, (On retrouve l’assonance dans la chanson des habitants de Modène, composée vers 924) :
    Abdirraman multitudine repletam
    Sui exercitus prospiciens terram,
    Montana Vaseorum disecans,
    Et fretosa et plana percalcans,
    Trans Francorum intus experditat…
    (Isidor. Pacensis, ap. Scr. Rer. Fr. II, 721.)