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HISTOIRE DE FRANCE.

Mais ce n’est pas du côté du Midi qu’il dut avoir le plus d’affaires ; l’invasion germanique était bien plus à craindre que celle des Sarrasins. Ceux-ci étaient établis dans l’Espagne, et bientôt leurs divisions les y retinrent. Mais les Frisons, les Saxons, les Allemands, étaient toujours appelés vers le Rhin par la richesse de la Gaule et par le souvenir de leurs anciennes invasions ; ce ne fut que par une longue suite d’expéditions que Charles Martel parvint à les refouler. Avec quels soldats put-il faire ces expéditions ? Nous l’ignorons, mais tout porte à croire qu’il recrutait ses armées en Germanie. Il lui était facile d’attirer à lui des guerriers auxquels il distribuait les dépouilles des évêques et des abbés de la Neustrie et de la Bourgogne[1]. Pour employer ces mêmes Germains contre les

  1. Chronic. Virdun., ap. Scr. Fr., III, 364. « Tanta enim profusione thesaurus totius ærarii publici dilapidatus est, tanta dedit militibus, quos soldarios vocari mos obtinuit (soldarii, soldurii ? on a vu que les dévoués de l’Aquitaine s’appelaient ainsi)… ut non ei suffecerit thesaurus regni, non deprædatio urbium… non exspoliatio ecclesarium et monasteriorum, non tributa provinciaram. Ausus est etiam, ubi hæc defecerunt, terras ecclesiarum diripere, et eas commilitonibus illis tradere, etc. » — Frodoard, l. II, c. xii : « Quand Charles Martel eut défait ses ennemis, il chassa de son siège le pieux Rigobert, son parrain, qui l’avait tenu sur les saints fonts de baptême, et donna l’évêché de Reims à un nommé Milon, simple tonsuré qui l’avait suivi à la guerre. Ce Charles Martel, né du concubinage d’une esclave, comme on le lit dans les Annales des rois Francs, plus audacieux que tous les rois ses prédécesseurs, donna non-seulement l’évêché de Reims, mais encore beaucoup d’autres du royaume de France, à des laïques et à des comtes ; en sorte qu’il ôta tout pouvoir aux évêques sur les biens et les affaires de l’Église. Mais tous les maux qu’il avait faits à ce saint personnage et aux autres Églises de Jésus-Christ, par