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HISTOIRE DE FRANCE.

défense et la défaite de l’ennemi. — Un jour, qu’on annonça au prudent Charles la mort d’un certain évêque, il demanda si le prélat avait envoyé devant lui, dans l’autre monde, quelque chose de ses biens et du fruit de ses travaux. Et comme le messager répondit : Seigneur, pas plus de deux livres d’argent ; notre jeune clerc soupira, et, ne pouvant contenir dans son sein sa vivacité, il laissa malgré lui échapper, devant le roi, cette exclamation : Pauvre viatique, pour un si long voyage ! Charles, le plus modéré des hommes, après avoir réfléchi quelques instants, lui dit : Qu’en penses-tu ? Si tu avais cet évêché, ferais-tu de plus grandes provisions pour cette longue route ? Le clerc, la bouche béante à ces paroles comme à des raisins de primeur qui lui tombaient d’eux-mêmes, se jeta à ses pieds et s’écria : Seigneur, je m’en remets, là-dessus, à la volonté de Dieu et à votre pouvoir. Et le roi lui dit : Tiens-toi sous le rideau qui pend là derrière moi ; tu vas entendre combien tu as de protecteurs. En effet, à la nouvelle de la mort de l’évêque, les gens du palais, toujours à l’affût des malheurs ou de la mort d’autrui, s’efforcèrent, tous impatients et envieux les uns des autres, d’obtenir pour eux la place par les familiers de l’empereur. Mais lui, ferme dans sa résolution, refusait à tout le monde, disant qu’ils ne voulait pas manquer de parole à ce jeune homme. Enfin, la reine Hildegarde envoya d’abord les grands du royaume, puis elle vint elle-même trouver le roi, afin d’avoir l’évêché pour son propre clerc. Comme il accueillit sa demande de l’air le plus gracieux, disant qu’il ne voulait ni ne pouvait lui rien refuser, mais