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HISTOIRE DE FRANCE.

toute leur vie de l’Èbre à l’Elbe. Le peuple encore bien moins. Dans les marais de la Saxe, dans les marches d’Espagne, d’Italie, de Bavière, il n’y avait là que des populations vaincues ou ennemies. Si le nom du peuple n’est pas ici un mensonge, il signifie l’armée. Ou bien quelques notables qui suivaient les grands, les évêques, etc., représentaient la grande nation des Francs, comme à Rome les trente licteurs représentaient les trente curies aux comitia curiata. Quant aux assemblées des comtes, les boni homines, les scabini (schœffen) qui les composent sont élus par les comtes avec le consentement du peuple : le comte peut les déplacer. Ce ne sont plus là les vieux Germains jugeant leurs pairs ; ils ont plutôt l’air de pauvres décurions, présidés, dirigés par un agent impérial. La triste image de l’empire romain se reproduit dans cette jeune caducité de l’empire barbare. Oui, l’Empire est restauré ; il ne l’est que trop : le comte tient la place des duumvirs, l’évêque rappelle le défenseur des cités, et ces hérimans (hommes d’armée), qui laissent leurs biens pour se soustraire aux accablantes obligations qu’il leur impose, ils reproduisent les curiales romains[1], propriétaires libres, qui trouvaient leur salut à quitter leur propriété, à fuir, à se faire soldats, prêtres, et que la loi ne savait comment retenir.

La désolation de l’Empire est la même ici. Le prix énorme du blé, le bas prix des bestiaux indique assez

  1. Le curiale devait avoir au moins vingt-cinq arpents de terre l’hériman, de trente-six à quarante huit.