Page:Michelet - La femme.djvu/115

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des frères, qui étaient tous plus âgés. Elle était venue fort tard, et ses parents qui alors ne comptaient plus avoir d’enfants, semblaient ne pas lui savoir bon gré d’être née. Sa mère, laborieuse, austère, la tenait toujours près d’elle au travail, pendant que les autres jouaient. D’ailleurs les garçons plus âgés, avec la légèreté sèche que leur sexe a dans l’enfance, ne se seraient guère prêtés aux jeux de la jeune sœur. Elle aurait voulu d’elle-même faire un peu de jardinage, mais on riait de ses essais, on marchait dessus. Elle en vint naturellement à se faire, avec quelques chiffons de coton, une petite consolatrice à qui elle racontait les espiègleries de ses frères, ou les gronderies maternelles. Vives, extrêmes étaient les tendresses. La poupée était sensible, elle répondait à merveille et de la plus jolie voix. Aux épanchements trop tendres, aux récits émus, elle s’attendrissait aussi, et toutes deux s’embrassant, elles finissaient par pleurer.

On s’en aperçut un dimanche. On rit fort, et les garçons, la lui arrachant des bras, trouvèrent plaisant de la lancer sur les plus hautes branches d’un arbre, et si haut qu’elle y resta. Les pleurs, les cris n’y firent rien. La petite lui fut fidèle, et, dans sa douleur, refusa d’en refaire jamais une autre. Pendant la mauvaise saison, elle y pensait, attristée de la sentir là à la neige, aux gelées. Lorsqu’au prin-