Page:Michelet - La femme.djvu/137

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

petite fille, pour hâter en elle la crise des sens, précipiter la floraison qu’il vaut bien mieux retarder.

Le dirai-je ? (mais quel paradoxe ! que les dames vont être choquées !) Il est trois choses que j’aime peu : les babels de peintures qu’on appelle des musées, où les tableaux se tuent l’un l’autre ; — les babels de ramages qu’on appelle des volières, où le rossignol, mêlé aux chanteurs vulgaires, risque de tomber au patois ; — en troisième lieu, les bouquets mêlés de couleurs, de parfums, qui se combattent et s’annulent.

Quiconque a le sentiment vif et délicat de la vie, ne souffre pas volontiers ces confusions, ces chaos, quelque brillants qu’ils puissent être. Chaque odeur est suave à part, dit un mystère, parle un langage. Toutes ensemble, ou frappent la tête, ou donnent un trouble sensuel dont les nerfs souffrent, comme de certaines vibrations de l’harmonica. C’est voluptueux et affadissant. On sourit, et le cœur tourne. Les odeurs discrètes y périssent barbarement asphyxiées. « Hélas ! dit la marjolaine, étouffée des puissantes roses, vous ne voulez donc pas savoir la divine senteur d’amertume qui se mêle au parfum d’amour ? »

Certaine femme que je sais bien n’a jamais coupé une fleur qu’à regret et malgré elle, en lui