Page:Michelet - La femme.djvu/138

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demandant pardon. Chacune a sa gentillesse à elle, si elle est à part. Elle a son harmonie propre, un charme qui lui vient de la terre sa mère et qu’elle n’aura plus arrachée. Que saura-t-on maintenant du port, de la désinvolture, de l’air aimable et dégagé dont elle portait sa tête ? Les fleurs simples, qui sont les fleurs amoureuses, dans leurs grâces modestes et légères, pâlissent ou plutôt disparaissent entre les grosses corolles de ces vierges luxueuses que nos jardiniers amplifient par leur art de stérilité.

Replaçons, pour notre enfant, dans sa vérité naïve et sainte, le monde végétal. Que de bonne heure elle sente, aime et comprenne la plante dans la légitimité de sa vie complète. Qu’elle ne connaisse point la fleur comme luxe et coquetterie, mais comme un moment de la plante, comme la plante à l’état de fleur. C’est une grande injustice d’y prendre le plaisir passager d’une vaine décoration, comme d’une fleur de papier, tandis qu’on oublie la merveille réelle, le miracle progressif caché au petit sanctuaire, la sublime opération d’avenir et d’immortalité par laquelle la vie chaque année échappe et rit de la mort.