Page:Michelet - La femme.djvu/147

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C’est comme un autre allaitement. Si elle pouvait suivre son cœur, elle nourrirait son mari, ses enfants, d’elle-même, du lait de ses mamelles. Ne le pouvant, elle emprunte l’aliment à la nature, mais elle le leur donne bien autre, mêlé d’elle et par la tendresse devenu délicieux. Du pur froment, solide et fort, elle fait le gâteau sacré où la famille communie de son amour. Le lait prend cent formes par elle ; elle y met sa fine douceur, ses parfums, et il devient crème légère et éthérée, un aliment de volupté. Les fruits éphémères que l’automne verse à torrents pour les perdre, elle les fixe, les enchante. Dans un an encore, ses enfants émerveillés verront sortir du trésor de sa prévoyance les fugitives délices qu’ils croyaient fondues bien avant les premières neiges d’hiver. Les voici, à son image, inaltérablement fidèles, purs et limpides, comme sa vie, transparents, comme son cœur.

Oh ! la belle et douce puissance ! Véritable enfantement. Création de chaque jour, lente, partielle, mais continue. — Elle les fait et les refait corps et âme, humeur, énergie. Elle augmente, diminue leur activité, tend le nerf et le détend. Les changements sont insensibles, et les résultats profonds. — Que ne peut-elle ? L’enfant léger, joueur et rebelle, change, est disciplinable et doux. L’homme, entamé par le travail, et l’excès de vo-