Page:Michelet - La femme.djvu/159

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mère, lui parle, elle a besoin d’elle, désire obtenir ceci, négocie cela. Chaque jour, tout le temps qu’elle a de libre, elle va le passer avec les enfants. Elle vit toute dans ce petit monde, très-varié, lorsqu’on le voit de près et qu’on s’y mêle. Elle a là des amitiés, des demi-adoptions, des préférences, des tendresses avivées par la charité, de légers soucis parfois, puis des gaietés, puis des transports, et que sais-je ? même des larmes. — Mais elle sait pourquoi elle pleure. Le pis, pour les jeunes filles, c’est de pleurer sans savoir pourquoi.




Elle venait d’avoir quatorze ans en mai. C’étaient les premières roses. La saison, après quelques pluies, désormais belle et fixée, étalait toutes ses pompes. Elle aussi, elle avait eu un petit moment d’orage, de la fièvre et quelques souffrances. Elle sortait pour la première fois, un peu faible encore, un peu pâle. Une imperceptible nuance d’un bleu finement teinté (d’un faible lilas peut-être ?) marquait sous ses yeux. Elle n’était pas bien grande ; mais sa taille avait changé, s’était gracieusement élancée. Couchée enfant, en peu de jours, elle s’é-