Page:Michelet - La femme.djvu/205

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père et la fille dans une si étroite union. Elle les contemple, les bénit. Elle dit : « Oh ! la pauvre petite !… ce sera son meilleur amour. »

Mais voudra-t-elle aimer ailleurs ? Il a une prise bien forte, ce père, ce maître, ce pontife, qui a révélé l’héroïsme à un jeune cœur héroïque, et se trouve avoir pénétré à ce qu’elle a de plus profond. On ne parle bien des héros qu’en l’étant soi-même un moment. Tel il apparaît, en effet, à cette enfant qui lui est comme suspendue. Il veut former son idéal, mais elle n’en voit d’autre que lui.

On sait l’amour enthousiaste que madame de Staël eut pour son père, et je ne doute nullement que cette jeune fille, alors toute nature, toute passion, puissante, éloquente, adorable, ne l’ait mis au-dessus de lui. Elle le vit grand, et le fit tel, ou du moins y contribua. Médiocre avant et après, mais dans cette heure solennelle, jeune, hardi et transfiguré, il s’éleva à l’idée généreuse de 89, l’espoir infini de l’égalité. Il put changer, il put baisser ; elle aussi, par telle influence. N’importe, le rêve de l’enfant, un moment réalisé, parcourut toute la terre.