Page:Michelet - La femme.djvu/206

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Ce lien est bien fort alors, si fort que tout autre paraît faible, triste, insuffisant. J’ai vu d’autres demoiselles, moins connues, non moins éminentes, pour qui ce premier sentiment semblait avoir fermé le cœur. La suavité, la délicatesse, la profonde intimité qu’on y goûtait, ne semblait plus pouvoir se retrouver jamais. L’une avait son père presque aveugle, et elle était sa lumière ; il voyait par elle, elle aimait par lui. Pour l’autre, le monde avait péri et son père seul existait. Elle assurait qu’avec lui elle eût accepté au pôle la plus profonde solitude. « Ne me parlez pas, disait-elle, du divorce qu’on appelle mariage.»




Pour la nôtre dont il s’agit, c’est un sérieux devoir de l’avertir de la destinée commune. Hélas ! cette pure et tendre union ne peut être que passagère ; la nature nous pousse en avant, et ne permet pas à l’amour de revenir vers lui-même.

Opération douloureuse, de séparer le cœur du cœur, de calmer, d’harmoniser ce naïf élan de l’enfant, de l’amener à la sagesse :

« Chère enfant, dans ce bel âge de vie puissante et rayonnante qui te vivifie toute chose, une t’échappe qu’il faut bien te rappeler parfois, la mort !