Page:Michelet - La femme.djvu/207

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« Notre amour immortel pour toi n’y fait rien ; ta mère et moi, bientôt nous t’échapperons… Que serait-ce, si, m’aimant trop, tu épousais en moi… le deuil ?… »

« Ces derniers temps, l’intimité de l’initiation morale, le bonheur profond que j’eus de te révéler ce qui fait la grandeur de l’homme, ont trop ravi ton cœur, enfant, et le voilà mêlé au mien. Tu m’as vu, tout à la fois, par ton illusion filiale, jeune de l’éternelle jeunesse des héros que je racontais, en même temps mûr, calme et sage, avec le don que tu appelles la suavité de l’automne. Tout cela, jeune fille, n’est pas ce que Dieu veut pour toi. Il te faut ce qui commence, non ce qui finit. Il te faut la séve âpre et forte de ceux qui ont beaucoup à faire, en qui l’âge peut travailler, diminuer, améliorer. Leurs défauts d’aujourd’hui, souvent, sont des qualités d’avenir. Ta douceur n’est que trop portée à chérir la douceur d’un père… Je veux, je demande à Dieu pour toi l’énergie d’un époux.

« Tu es encore jusqu’ici le commencement d’une femme ; une autre initiation t’attend et d’autres devoirs. Épouse, et mère, et sage amie, consolatrice universelle, tu es née pour le bonheur et le salut de plusieurs.

« Prends donc un cœur ferme, ma fille, et cette