Page:Michelet - La femme.djvu/240

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rentrer chez elle si pauvre ! Dirai-je sevrée de sa fille ? dirai-je veuve de son enfant ? non, on ne peut pas le dire. Il faut regretter toujours un mot qui manque à nos langues, ce mot grave, plein de deuil : orba.


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Ce qu’elle livre, c’est elle-même. Et c’est elle qui va être bien ou mal traitée dans cette maison étrangère. Elle y vit d’imagination. Cet homme, amoureux aujourd’hui, comment sera-t-il demain ?… Et encore, lui-même, le gendre, c’est le plus facile. Mais, comment sera sa famille, sa mère qu’il aime, qui le gouverne, qui règne dans la maison ? Que de moyens elle aurait de désoler la jeune femme, peut-être de la briser pour peu qu’elle lui déplût ! Donc, la mère de celle-ci doit, pour protéger sa fille, la ménager, lui faire sa cour.

Je comprends bien l’inquiétude, la vive préoccupation de celle qui, la première fois, aperçoit son futur gendre, je veux dire du moins le jeune homme qui pourrait le devenir. Oh ! que je suis de moitié dans ses sentiments intérieurs. Elle est souriante, gracieuse, mais au fond combien émue !… Vraiment, c’est sa vie ou sa mort. Ce jeune homme,