Page:Michelet - La femme.djvu/261

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Qui fait cela ? C’est surtout la prudence des mères qui veulent un gendre bien posé. Fonctionnaire est pour elles synonyme de stabilité, — sur cette terre de révolutions ! — Notaire ! comme ce mot-là sonne bien à leur oreille ! c’est pourtant le plus souvent l’homme d’avance obéré par l’acquisition de sa charge.

C’est ainsi que l’aveuglement de l’esprit de réaction, l’ignorance et la peur des femmes, font du peuple le plus aventureux de la terre le plus sottement timide, le plus inerte, le mollusque sur son rocher. L’Anglais, l’Américain, le Russe, ont la terre entière pour théâtre de leur activité. L’Anglaise trouve naturel d’épouser un négociant de Calcutta, de Canton. Elle suit son époux, officier, dans les dernières îles de l’Océanie. La Hollandaise, également acceptera un mari de Java ou de Surinam. La Polonaise ne craint pas, pour consoler l’exilé, d’aller vivre en Sibérie ; la persévérance de ces dévouements a créé, par delà Tobolsk, une admirable Pologne qui parle mieux que Varsovie. Mais prenons l’Allemagne même, qui chérit tant l’intérieur ; vous la voyez se répandre au loin dans les deux Amériques. Partout où la famille est forte, elle en est plus voyageuse, sûre de porter le bonheur avec elle. L’Amour crée partout la patrie ; il l’étend, il la multiplie. Avec l’Amour l’homme a des ailes.