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HISTOIRE DE FRANCE

dance de l’homme et la toute-puissance de Dieu.

Aussi le pélagianisme, accueilli d’abord avec faveur, et même par le pape de Rome, fut bientôt vaincu par la grâce. En vain il fit des concessions, et prit en Province la forme adoucie du semi-pélagianisme, essayant d’accorder et de faire concourir la liberté humaine et la grâce divine[1]. Malgré la sainteté du Breton Faustus[2], évêque de Riez, malgré le renom des évêques d’Arles, et la gloire de cet illustre monastère de Lérins[3], qui donna à l’Église douze archevêques, douze évêques et plus de cent martyrs, le

  1. Le premier qui tenta cette conciliation difficile, ce fut le moine Jean Cassien, disciple de saint Jean Chrysostome, et qui plaida près du pape pour le tirer d’exil. Il avança que le premier mouvement vers le bien partait du libre arbitre, et que la grâce venait ensuite l’éclairer et le soutenir ; il ne la crut pas, comme saint Augustin, gratuite et prévenante, mais seulement efficace. Il dédia un de ses livres à saint Honorat, qui avait, comme lui, visité la Grèce, et qui fonda Lérins, d’où devaient sortir les plus illustres défenseurs du semi-pélagianisme. La lutte s’engagea bientôt. Saint Prosper d’Aquitaine avait dénoncé à saint Augustin les écrits de Cassien, et tous deux s’étaient associés pour le combattre. Lérins leur opposa Vincent, et ce Faustus qui soutint contre Mamert Claudien la matérialité de l’âme, et qui écrivit, comme Cassien, contre Nestorius, etc. Arles et Marseille inclinaient au semi-pélagianisme. Le peuple d’Arles chassa son évêque, saint Héros, qui poursuivait Pelage, et choisit après lui saint Honorat ; à saint Honorat succède saint Hilaire, son parent, qui soutint comme lui les opinions de Cassien, et fut comme lui enterré à Lérins, etc. Gennadius écrivit, au neuvième siècle, l’histoire du semi-pélagianisme.
  2. En 447, saint Hilaire d’Arles l’oblige de s’asseoir, quoique simple prêtre, entre deux saints évêques, ceux de Fréjus et de Riez.
  3. Lérins fut fondé par saint Honorat, dans le diocèse d’Antibes, à la fin du quatrième siècle. Saint Hilaire d’Arles, et saint Césaire, Sidonius de Clermont, Ennodius du Tésin, Honorat de Marseille, Faustus de Riez, appellent Lérins l’île bienheureuse, la terre des miracles, l’île des Saints (on donna aussi ce nom à l’Irlande), la demeure de ceux qui vivent en Christ, etc. — Lérins avait de grands rapports avec Saint-Victor de Marseille, fondé par Cassien, vers 410. — Les deux couvents furent une pépinière de libres penseurs.