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INVASION

ambassadeurs des empereurs d’Orient et d’Occident. Pendant que les mimes et les farceurs excitent la joie et le rire des guerriers barbares, lui, sérieux et grave, ramassé dans sa taille courte et forte, le nez écrasé, le front large et percé de deux trous ardents[1], roule de sombres pensées, tandis qu’il passe la main dans les cheveux de son jeune fils… Ils sont là ces Grecs qui viennent, jusqu’au gîte du lion, lui dresser des embûches ; il le sait, mais il lui suffit de renvoyer à l’empereur la bourse avec laquelle on a cru acheter sa mort, et de lui adresser ces paroles accablantes : « Attila et Théodose sont fils de pères très nobles. Mais Théodose, en payant tribut, est déchu de sa noblesse ; il est devenu l’esclave d’Attila ; il n’est pas juste qu’il dresse des embûches à son maître, comme un esclave méchant. »

Il ne daignait pas autrement se venger, sauf quelques milliers d’onces d’or qu’il exigeait de plus. S’il y avait retard dans le payement du tribut, il lui suffisait de faire dire à l’empereur par un de ses esclaves : « Attila, ton maître et le mien, va te venir voir ; il t’ordonne de lui préparer un palais dans Rome. »

Du reste, qu’y eût-il gagné, ce Tartare, à conquérir l’Empire ? Il eût étouffé dans ces cités murées, dans ces palais de marbre. Il aimait bien mieux son village de bois, tout peint et tapissé, aux mille kiosques, aux cent couleurs, et tout autour la verte

  1. App. 74.