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MÉROVINGIENS

ignorait que ce fût une faute. » En général, la tendance est mystique ; le législateur a plus égard aux pensées qu’aux actes. — « La chasteté du moine, dit-il, s’estime par ses pensées : que sert qu’il soit vierge de corps, s’il ne l’est d’esprit[1] ? »

Cette réforme, doublement remarquable et par son éclat, et par sa liaison avec le réveil des races vaincues dans les Gaules, était loin pourtant de satisfaire aux besoins du temps. Ce n’était pas de pratiques pieuses, d’élans mystiques qu’il s’agissait, lorsque la barbarie pesait si lourdement, et qu’une invasion nouvelle était toujours imminente sur le Rhin. Saint Benoît avait compris qu’il fallait à une telle époque un monachisme plus humble, plus laborieux, pour défricher la terre, devenue tout inculte et sauvage, pour défricher l’esprit des barbares. Mais l’Église irlandaise, animée d’un indomptable esprit d’individualité et d’opposition, n’était d’accord ni avec Rome, ni avec elle-même. Saint Gall, le principal disciple de saint Colomban, refusa de le suivre en Italie, resta en Suisse, et y travailla pour son compte[2]. Saint Colomban, passant alors en Italie, s’occupa de combattre l’arianisme des Orientaux ; c’était se tourner vers le monde fini, vers le passé, au lieu de regarder vers la Germanie, vers l’avenir. Comme il était encore sur le Rhin, il eut un instant l’idée d’entreprendre la conversion des Suèves ; plus tard, celle des Slaves. Un ange l’en détourna dans un songe, et, lui traçant une image du monde, il lui

  1. App. 101.
  2. App. 102.