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CARLOVINGIENS

Rome eut prise sur la Germanie. Saint Colomban avait dédaigné de prêcher les Suèves. Les Celtes, dans leur dur esprit d’opposition à la race germanique, ne pouvaient être les instruments de sa conversion. Un principe de rationalisme anti-hiérarchique, un esprit d’individualité, de division, dominait l’Église celtique. Il fallait un élément plus liant, plus sympathique, pour attirer au christianisme les derniers venus des barbares. Il fallait leur parler du Christ au nom de Rome, ce grand nom qui, depuis tant de générations, remplissait leur oreille.

Winfried (c’est le nom germanique de Boniface) se donna sans réserve aux papes, et, sous leurs auspices, se lança dans ce vaste monde païen de l’Allemagne à travers les populations barbares. Il fut le Colomb et le Cortez de ce monde inconnu, où il pénétrait sans autre arme que sa foi intrépide et le nom de Rome. Cet homme héroïque, passant tant de fois la mer, le Rhin, les Alpes, fut le lien des nations ; c’est par lui que les Francs s’entendirent avec Rome, avec les tribus germaniques ; c’est lui qui, par la religion, par la civilisation, attacha au sol ces tribus mobiles, et prépara à son insu la route aux armées de Charlemagne, comme les missionnaires du seizième siècle ouvrirent l’Amérique à celles de Charles-Quint. Il éleva sur le Rhin la métropole du christianisme allemand, l’église de Mayence, l’église de l’Empire, et plus loin, Cologne, l’église des reliques, la cité sainte des Pays-Bas. La jeune école de Fulde, fondée par lui au plus profond de la barbarie germanique, devint la lumière de l’Occi-