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CARLOVINGIENS

les Francs avaient construite à Deventer[1]. Ceux-ci, qui peut-être souhaitaient un prétexte pour brusquer par les armes la conversion de leurs voisins barbares, marchèrent droit au principal sanctuaire des Saxons, au lieu où se trouvaient la principale idole et les plus chers souvenirs de la Germanie. L’Herman-saül[2], mystérieux symbole, où l’on pouvait voir l’image du monde ou de la patrie, d’un dieu ou d’un héros, cette statue, armée de pied en cap, portait de la main gauche une balance, de la droite un drapeau où se voyait une rose, sur son bouclier un lion commandant à d’autres animaux, à ses pieds un champ semé de fleurs. Tous les lieux voisins étaient consacrés par le souvenir de la grande et première victoire des Germains sur l’Empire[3].

Si les Francs eussent eu souvenir de leur origine germanique, ils auraient respecté ce lieu saint. Ils le violèrent, ils brisèrent le symbole national. Cette facile victoire fut sanctifiée par un miracle. Une source jaillit exprès pour abreuver les soldats de Charlemagne[4]. Les Saxons, surpris dans leurs forêts, donnèrent douze otages, un par tribu. Mais ils se ravisèrent bientôt et ravagèrent la Hesse. On aurait tort si, d’après ce fait et tant d’autres du même genre, on accusait les Saxons

  1. Ils essayèrent de brûler une église que saint Boniface avait construite à Fritzlar, dans la Hesse. Mais le saint avait prophétisé en la bâtissant qu’elle ne périrait jamais par le feu : deux anges vêtus de blanc vinrent la défendre, et un Saxon, qui s’était agenouillé pour souffler le feu, fut trouvé mort dans la même attitude, les joues encore enflées de son souffle. (Annales de Fulde.)
  2. Colonne, ou statue de la Germanie, ou d’Arminius.
  3. App. 124.
  4. App. 125.