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CARLOVINGIENS

Entre les Slaves de la Baltique et ceux de l’Adriatique, derrière la Bavière devenue simple province, Charlemagne rencontrait les Avares, cavaliers infatigables, retranchés dans les marais de la Hongrie, qui de là fondaient à leur choix sur les Slaves et sur l’empire grec. Tous les hivers, dit l’historien, ils allaient dormir avec les femmes des Slaves. Leur camp, ou ring, était un prodigieux village de bois qui couvrait toute une province, fermé de haies d’arbres entrelacés ; il y avait là les rapines de plusieurs siècles, les dépouilles des Byzantins, entassement étrange des objets les plus brillants, les plus inutiles aux barbares, bizarre musée de brigandage. Ce camp, d’après un vieux soldat de Charlemagne, aurait eu douze ou quinze lieues de tour[1], comme les villes de l’Orient, Ninive ou Babylone : tel est le génie des Tartares. Le peuple uni en un seul camp, le reste en pâturages déserts. Celui qui visita le chagan des Turcs au sixième siècle, trouva le barbare qui siégeait sur un trône d’or au milieu du désert. Celui des Avares, dans son village de bois, se faisait donner des lits d’or massif par l’empereur de Constantinople.

Ces barbares, devenus voisins des Francs, auraient levé des tributs sur eux comme sur les Grecs. Charlemagne les attaqua avec trois armées, et s’avança jusqu’au Raab, brûlant le peu d’habitations qu’il rencontrait ; mais qu’importait aux Avares l’incendie de ces cabanes ? Cependant la cavalerie de Charlemagne

  1. App. 128.