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LE DUC D’ORLÉANS, LE DUC DE BOURGOGNE

léans que sa femme Valentine ; elle l’avait toujours aimé, et toujours il en aima d’autres. Elle ne l’excusa pas moins autant qu’il était en elle ; elle prit comme sien avec elle le bâtard de son mari, et l’éleva parmi ses enfants. Elle l’aimait autant qu’eux, davantage. Souvent, lui voyant tant d’esprit et d’ardeur, l’Italienne le serrait, lui disait : « Ah ! tu m’as été dérobé ! c’est toi qui vengeras ton père[1]. »

La justice ne vint jamais pour la veuve, elle n’eut pas cette consolation. Elle n’eut pas celle d’élever au mort l’humble tombe « de trois doigts au-dessus de terre » qu’il demandait dans son testament[2] ; elle ne put même lui mettre sous la tête « la rude pierre, la roche » qu’il voulait pour oreiller. Louis d’Orléans, proscrit dans la mort, attendit cent ans un tombeau.

Aux premiers âges chrétiens, dans les temps de vive foi, les douleurs étaient patientes ; la mort semblait un court divorce ; elle séparait, mais pour réunir. Un signe de cette foi dans l’âme, dans la réunion des âmes, c’est que, jusqu’au douzième siècle, le corps, la dépouille mortelle, semble avoir moins d’importance ; elle ne demande pas encore de magnifiques tombeaux ; cachée dans un coin de l’église, une simple dalle la couvre ; c’est assez pour la désigner au jour de la résurrection : Hinc surrectura[3].

Au temps dont nous écrivons l’histoire, il y avait déjà un changement, peu avoué, d’autant plus profond. Même dévotion extérieure, mais la foi était

  1. « Qu’il lui avoit été emblé, et qu’il n’y avoit à peine des enfants qui fust si bien taillé de venger la mort de son père qu’il estoit. » (Juvénal.)
  2. App. 91.
  3. App. 92.