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HISTOIRE DE FRANCE

moins vive ; au plus profond des cœurs, à leur insu, l’espoir faiblissait. La douleur ne se laissait plus aisément charmer aux promesses de l’avenir ; aux pieuses consolations, elle opposait le mot de Valentine : « Rien ne m’est plus, plus ne m’est rien[1]. »

S’il lui restait quelque chose, c’était de parer la triste dépouille, de glorifier les restes, de faire de la tombe une chapelle, une église, dont ce mort serait le dieu.

Vains amusements de la douleur, qui ne l’arrêtent pas longtemps. Quelque profond que soit le sépulcre, elle n’en ressent pas moins à travers les puissantes attractions de la mort ; elle les suit… La veuve du duc d’Orléans vécut ce que dura sa robe de deuil.

C’est que les mots de l’union : Vous devenez même chair, ils ne sont pas un vain son ; ils durent pour celui qui survit. Qu’ils aient donc leur effet suprême !… Jusque-là, il va chaque jour heurter cette tombe à l’aveugle, l’interroger, lui demander compte… Elle ne sait que répondre ; il aurait beau la briser, qu’elle n’en dirait pas davantage… En vain, s’obstinant à douter, s’irritant, niant la mort, il arrache l’odieuse pierre ; en vain, parmi les défaillances de la douleur et de la nature, il ose soulever le linceul, et montrant à la lumière ce qu’elle ne voudrait pas voir, il dispute aux vers le je ne sais quoi, informe et terrible, qui fut Inès de Castro[2].

  1. La devise de Valentine se lisait dans sa chapelle aux Cordeliers de Blois.
  2. « Le roi se rendit à l’église de Santa-Clara, où il fit exhumer le corps de la femme qu’il chérissait. Il ordonna que son Inès fut revêtue des ornements royaux, et qu’on la plaçât sur un trône où ses sujets vinrent baiser les ossements qui avaient été une si belle main. » (Faria y Souza.) App. 93.